🐘 Le Tout Est Plus Que La Somme Des Parties

RT@adopte_chien: Floupy arrive de Guadeloupe. Floupy est un jeune chien qui aura tout Ă  apprendre de la vie de famille. Et de la vie de chien ! Fnac: Pour une approche scientifique de l'Ă©mergence, Pourquoi le tout est plus que la somme de ses parties, Jacques Ricard, Hermann". Livraison chez vous ou en magasin et - 5% sur tous les livres. Achetez neuf ou d'occasion. Tabacet alcool : Le tout est-il plus grand que la somme de ses parties? Sylvia Kairouz, Ph. D. (professeure adjointe) DĂ©partement de sociologie et d’anthropologie UniversitĂ© Concordia, MontrĂ©al, QuĂ©bec, Canada Institut national de santĂ© publique du QuĂ©bec (INSPQ) MontrĂ©al, QuĂ©bec, Canada Louise Nadeau, Ph. D. (professeure titulaire) Lensemble des activitĂ©s scientifiques qui se sont dĂ©veloppĂ©es dans les pays occidentaux depuis Descartes, repose sur une rĂ©duction du complexe au simple. Cette dĂ©marche s’est d’abord avĂ©rĂ©e efficace mais, dans bien des domaines, elle a maintenant atteint ses limites. Les systĂšmes possĂšdent des propriĂ©tĂ©s collectives non rĂ©ductibles Ă  celles de leurs Ă©lĂ©ments Letout est-il plus que la somme de ses parties? Dfm Strauss. South African Journal of Philosophy 6 (1):24-28 (1987) Abstract This article has no associated abstract. (fix it) Keywords No keywords specified (fix it) Categories No categories specified (categorize this paper) Options Edit this record. Mark as duplicate. Export citation. Find it on Scholar. Request removal from septembre 2022 sam17sep16h00 16h0017sep16h00 16h00 hJPkPO6. Skip to content ApprocheFormationSupervisionCollectifIndividuelA proposArticlesContact Le tout est plus que la somme des parties Le tout est plus que la somme des partiesPremier Principe SystĂ©miqueQuand je dis cette phrase au cours de mes formations Ă  l’approche de Palo Alto, elle est souvent connue de mes stagiaires mais
qu’entend-on vraiment par-lĂ  ?
 Avec quelques d’indications, j’espĂšre vous Ă©clairer davantage. Ce principe systĂ©mique est essentiel dans l’approche de Palo Alto. D’un point de vue interactionnel, tout ce qui se passe entre les individus est considĂ©rĂ© comme un systĂšme. Ainsi lorsqu’une difficultĂ© de management survient dans une Ă©quipe, cette approche va analyser la situation au travers des modĂšles pattern d’interactions qui y ont lieu. Elle prend ainsi en compte la dynamique des interactions rĂ©currentes dans le systĂšme Ă  considĂ©rer. Quand tout fonctionne, ce qui est le cas dans le principe Ă©noncĂ© en titre, c’est la mĂȘme chose. Nous prenons en compte l’ensemble du systĂšme, soit le tout ». Cet ensemble comprend certes des parties diffĂ©rentes, mais Ă©galement ce qu’il y a entre les parties, soit les interactions et les retombĂ©es de ces interactions. Et c’est lĂ  que nous dĂ©passons la simple notion d’addition la somme » car ces interactions crĂ©ent une organisation spĂ©cifique. Ce systĂšme, cette organisation, permet alors de faire apparaitre des qualitĂ©s qui ne s’expriment pas quand les parties sont seules. Au final, ensemble, les parties en interaction crĂ©ent des qualitĂ©s, des propriĂ©tĂ©s qui n’existent pas au sein des parties elles-mĂȘmes. En cas de problĂšmes relationnels, ces notions interviennent Ă©galement. Les parties en prĂ©sence crĂ©ent un tout » qui ne fonctionne pas, qui brule son Ă©nergie, qui ne coopĂšre plus. Prendre chaque partie individuellement ne rĂ©soudra pas le problĂšme. L’approche systĂ©mique va au contraire travailler Ă  comprendre le problĂšme comme rĂ©sultant des interactions Ă  l’Ɠuvre. Puis elle va dĂ©nouer les fonctionnements en vue de rĂ©organiser les actions, les interactions. Remettre en place des interactions inhabituelles permet ainsi d’obtenir de nouvelles qualitĂ©s Ă©mergentes qui ne soient plus problĂ©matiques. Notre expĂ©rience nous montre, Ă  chacune de nos interventions qu’il est beaucoup plus facile de changer les interactions entre les parties que les parties elle-mĂȘme. En d’autres termes, nous agissons plus facilement sur les relations entre les personnes que de tenter de modifier des caractĂšres ou des personnalitĂ©s. A bientĂŽt pour un autre sujet autour de l’approche systĂ©mique. Olivier Millet2022-06-01T220324+0200 Partager cet article Related Posts Page load link Privacy Overview This website uses cookies to improve your experience while you navigate through the website. Out of these, the cookies that are categorized as necessary are stored on your browser as they are essential for the working of basic functionalities of the website. We also use third-party cookies that help us analyze and understand how you use this website. These cookies will be stored in your browser only with your consent. You also have the option to opt-out of these cookies. 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L’acquisition immobiliĂšre en vente Ă  terme DĂ©finition La vente Ă  terme vous permet de faire une transaction immobiliĂšre sans pour autant rĂ©gler la totalitĂ© du prix bien pendant la signature de l’acte de vente. Dans une vente Ă  terme, l’acheteur verse au vendeur une certaine somme Ă  la signature ce qu’on appelle bouquet, et payer le montant restant, en versant des mensualitĂ©s. Les deux parties vont convenir Ă  l’avance d’une durĂ©e sur laquelle il peut Ă©taler le paiement, convenir du montant des versements ainsi que de la frĂ©quence. Comme toute acquisition immobiliĂšre, la vente Ă  terme est conclue devant un notaire qui va authentifier l’acte de vente. Le contrat de vente que le notaire va Ă©tablir doit comprendre une clause rĂ©solutoire qui permet de protĂ©ger le vendeur d’un Ă©ventuel dĂ©faut de paiement. En effet, vous devez savoir qu’un manquement au paiement d’une mensualitĂ© pourrait entraĂźner l’annulation purement et simplement de la vente. Dans ce cas, le vendeur se verra restituer son bien dans son Ă©tat original et il pourra conserver toutes les mensualitĂ©s qu’i a dĂ©jĂ  perçues. DiffĂ©rence entre vente Ă  terme et viager La vente Ă  terme se rapproche beaucoup avec le recours Ă  une somme payĂ©e en espĂšce ainsi que des mensualitĂ©s qui s’étalent sur plusieurs annĂ©es. Le point qui les diffĂ©rencie se trouve dans le dĂ©cĂšs du vendeur qui ne rentre pas en ligne de compte. En ne tenant pas compte de cet alĂ©a, qui reste toujours imprĂ©visible, la vente Ă  terme se prĂ©sente toujours comme la solution la plus sure et la plus lisible. Elle est Ă©galement diffĂ©rente du viager par ses caractĂ©ristiques de rentes. À l’inverse de celles d’une acquisition immobiliĂšre en viager Les mensualitĂ©s de vente Ă  terme ne sont pas dictĂ©es par l’État, Leur nombre se dĂ©fini par avance et n’a aucun rapport avec la mort du vendeur, Elles peuvent ĂȘtre indexĂ©es sur l’indice du coĂ»t de la construction si c’est prĂ©vu par le contrat. Elles pourront ĂȘtre revalorisĂ©es. Vente Ă  terme et achat immobilier les deux choix possibles En ce qui concerne l’achat immobilier, il y a deux types de vente Ă  terme la vente Ă  terme libre et celle qui est occupĂ©e. La vente Ă  terme libre Pour ce qui est d’un achat immobilier avec un contrat de vente Ă  terme libre, l’acheteur du bien immobilier va en disposer pleinement depuis la signature de l’acte authentique de vente et sans payer le vendeur. Le paiement se fera uniquement Ă  terme. L’acheteur est considĂ©rĂ© comme le seul et l’unique proprio et peut dĂ©cider de quoi en faire y habiter, le louer, etc. De son cĂŽtĂ©, le vendeur va perdre ses droits sur le bien, il n’est plus propriĂ©taire et devra le libĂ©rer. Parce qu’il n’est plus propriĂ©taire, il n’aura plus aucune charge et plus d’impĂŽt sur le logement. La vente Ă  terme occupĂ©e Dans ce cas, le vendeur peut s’attribuer le Droit d’Usage et d’Habitation DUH afin de toujours occuper son domicile une fois la vente conclue. C’est ce qu’on appelle vente Ă  terme occupĂ©e. Le vendeur peut choisir d’habiter sa maison jusqu’à sa mort, comme dans un viager, ou de dĂ©finir une durĂ©e spĂ©cifique. La rĂ©partition des charges ainsi que des impĂŽts seront les mĂȘmes que pour le viager. Le vendeur habitant dans la maison restera responsable des charges courantes ainsi que de la taxe du domicile. L’acquĂ©reur prendra en charge des travaux importants et de la taxe fonciĂšre. Il est possible de calculer votre taux d’endettement maximum grĂące Ă  des simulateurs en ligne et veiller Ă  ce qu’il ne dĂ©passe pas les 35 % requis. Calculer sa vente Ă  terme Pour calculer sa vente Ă  terme, vous devez d’abord vous accorder sur la valeur du bien, donc son prix de base. Comme pour chaque vente immobiliĂšre, la valeur du bien devra Ă©tĂ© estimĂ© sĂ©rieusement. Suivant le type de vente Ă  terme libre ou occupĂ© par le vendeur ou par un tiers, le prix du bien sera influencĂ© par Une prĂ©rogative d’usage et de logement qui est assimilable Ă  un loyer rĂ©servĂ© au vendeur ; Une prĂ©rogative d’usufruit pour un bien louĂ© ; La somme totale pour ces droits sera dĂ©duite de la valeur du bien. Cela donnera le prix de vente que vous devez ensuite dĂ©couper en bouquet et mensualitĂ©s. Verser le bouquet Le bouquet est la partie du prix de vente du bien que vous allez payer en espĂšce au moment de la vente chez le notaire. Le montant pour ce bouquet sera fixĂ© librement par le vendeur. Il pourra aller de 0 % Ă  100 % du prix de vente du bien. Il y a des vendeurs qui font une vente Ă  terme sans bouquet. En gĂ©nĂ©ral, le bouquet est sujet Ă  des nĂ©gociations entre les besoins du vendeur ainsi que les capacitĂ©s de l’acheteur. Calculer les mensualitĂ©s Il est indispensable de bien vĂ©rifier les mensualitĂ©s Ă  l’avance ainsi que les garanties permettant au vendeur de voir son bien payĂ© complĂštement, et ce mĂȘme dans le cas oĂč son dĂ©cĂšs surviendrait. Pour connaĂźtre le montant qu’il vous reste Ă  payer par les pĂ©riodicitĂ©s, vous devez soustraire le montant qui a Ă©tĂ© payĂ© au comptant au prix de vente du bien. Il est commun d’entendre parler de pĂ©riodicitĂ© au lieu de mensualitĂ©, car vous pouvez payer trimestriellement. Les mensualitĂ©s intĂšgreront gĂ©nĂ©ralement le taux d’intĂ©rĂȘt. Dans la plupart des cas, le taux d’intĂ©rĂȘt sera compris entre 0 Ă  5 %. À titre d’exemple, prenons un bien d’une valeur de 200 000 €. Le vendeur ainsi que l’acquĂ©reur vont s’accorder sur un bouquet de 75 000 € avec un remboursement du reste Ă  payer sur 10 ans avec un versement tous les mois. Votre taux d’intĂ©rĂȘt est de 1 %. La somme de 125 000 € restant sera payĂ©e par une mensualitĂ© de 1100 € sur 10 ans. Frais de notaire Dans une vente Ă  terme, il faut obligatoirement se faire accompagner par un notaire pour attester de la lĂ©galitĂ© de la transaction. Il va rĂ©diger l’acte de vente Ă  terme et organiser la signature du compromis de vente. Dans le cadre d’une vente Ă  terme, l’acquĂ©reur doit se libĂ©rer de droits de mutualisation qui sont des frais de notaire. Ils ne sont pas pareils dans le cas d’une vente Ă  terme libre et une vente Ă  terme occupĂ©e. Pour une vente Ă  terme libre, les frais du notaire Ă©quivalent Ă  un pourcentage de la valeur du bien suivant une grille bien dĂ©finie. Pour une valeur de 0 Ă  6500 € 3,945 % ; De 6500 Ă  17 000 € 1,627 % ; De 17 000 Ă  60 000 € 1,085 % Au-delĂ  de 60 000 € 0,814 %. Notons que pour une vente Ă  terme occupĂ©e, la valeur du bien diminuĂ©e d’une indemnitĂ© d’occupation, ce qui diminuera le prix des frais de notaire. 1Il est gĂ©nĂ©ralement admis, dans les diverses sciences traitant des comportements collectifs complexes, qu’il existe des diffĂ©rences fondamentales entre le niveau de l’individu et celui du collectif Knorr, 1981 ; Calhoun et al., 2007. C’est pourquoi il semble logique de prĂ©sumer qu’il existe deux niveaux d’analyse le niveau micro qui se concentre sur les individus et le niveau macro qui se concentre sur le collectif. Cette distinction est Ă  l’origine de la formulation de presque toutes les questions soulevĂ©es par la thĂ©orie sociale visant Ă  trouver la bonne voie qui mĂšne d’un niveau Ă  l’autre la recherche doit-elle partir du micro ou du macro ? Le niveau macro est-il un simple agrĂ©gat ou une nouvelle entitĂ© sui generis ? Comment certaines caractĂ©ristiques du niveau macro Ă©mergent-elles des interactions du niveau micro Boudon, 1981 ? Peut-on rapprocher » ces deux niveaux par une autre thĂ©orie qui les engloberait Bourdieu, 1972 ; Giddens, 1984 ? Peut-on imaginer un niveau intermĂ©diaire ? Et ainsi de suite. Cette sĂ©rie de questions ne se limite pas aux thĂ©ories sociales traitant de l’ĂȘtre humain, mais peut se rapporter Ă  tous les ensembles d’organismes vivants non humains nuĂ©es d’oiseaux, essaims d’insectes sociaux en particulier, Axelrod, 1984 ; Moussaid et al., 2009, ainsi qu’à la notion mĂȘme d’organisme quelle est la relation entre les cellules et le corps ? Dawkins, 1982 ? Ces mĂȘmes questions ont Ă©tĂ© posĂ©es dans le cadre d’un grand nombre de phĂ©nomĂšnes comme les processus mentaux Minsky, 1988 ou les entitĂ©s artificielles vivant in silico les modĂšles multi-agents, par exemple Epstein et Axtell, 1996 [1]. 2Bien que cette division en niveaux ait jouĂ© un rĂŽle considĂ©rable dans la structuration de nombreux programmes de recherche en sciences naturelles et sociales, elle a Ă©galement occultĂ© le phĂ©nomĂšne central que ces sciences visaient Ă  expliquer comment suivre des associations plus fortes, plus vastes et plus durables ? En partant du postulat qu’il existe deux niveaux, ces sciences ont rĂ©solu trop rapidement les questions qu’elles auraient dĂ» laisser ouvertes Ă  l’étude. Qu’est-ce qu’un Ă©lĂ©ment ? Qu’est ce qu’un ensemble ? Y a-t-il vraiment une diffĂ©rence entre les deux ? Qu’entend-on par entitĂ© collective durable ? 3Dans cet article, nous Ă©tudierons comment les traces numĂ©riques laissĂ©es par les acteurs dans les bases de donnĂ©es nouvellement disponibles pourraient modifier la nature mĂȘme de ces questions sur l’origine de l’organisation sociale. Notre objectif est de tester une thĂ©orie sociale alternative dĂ©veloppĂ©e par Gabriel Tarde 1843-1904 Ă  l’aube de la sociologie et qui n’a jamais eu la chance de se dĂ©velopper en raison du manque d’outils empiriques adĂ©quats Tarde, 1903 ; Clark, 2011 [1969] ; Milet, 1970 ; Candea, 2010. Au lieu de commencer par se dire que la question vraiment essentielle est de trouver comment les dĂ©cisions individuelles contribuent aux actes collectifs », nous souhaitons suivre la suggestion de Tarde et ne pas poser cette question afin de nous concentrer sur un sujet diffĂ©rent peut-on dĂ©finir ce qu’est un ordre social durable sans prĂ©sumer qu’il existe deux niveaux Latour, 2006 ? Pour souligner le contraste, nous allons prĂ©tendre qu’il y a davantage de complexitĂ© dans l’élĂ©ment que dans l’ensemble, ou, pour ĂȘtre un peu plus provocant, que le tout est toujours plus petit que ses parties ». Nous appelons ce postulat l’approche par un niveau » A-1 par opposition Ă  l’approche par deux niveaux » A-2. 4Un tel postulat n’est intĂ©ressant que s’il crĂ©e une diffĂ©rence empirique dans le traitement des donnĂ©es. C’est pourquoi nous tenterons de dĂ©montrer deux points Certaines nouvelles techniques numĂ©riques, et surtout certains outils offerts par l’analyse des rĂ©seaux, permettraient de suivre et visualiser le phĂ©nomĂšne social d’une façon qui rend l’approche A-1 un peu plus logique que l’ il est possible d’expliquer les caractĂ©ristiques plus durables de l’ordre social en apprenant Ă  naviguer au travers de monades » entrecroisĂ©es au lieu d’alterner entre les deux niveaux de l’individuel et du collectif. Notons que, par la suite, l’adjectif social » ne se rĂ©fĂ©rera pas aux seuls acteurs humains, mais sera Ă©tendu Ă  toutes les entitĂ©s traitĂ©es conjointement. Pour dĂ©montrer notre raisonnement, nous procĂ©derons de la maniĂšre suivante nous commencerons par utiliser la notion de profil pour donner une idĂ©e gĂ©nĂ©rale de notre analyse section 1 ; ensuite, nous expliquerons en quoi notre approche est diffĂ©rente de l’idĂ©e de structures produites par l’interaction entre acteurs rĂ©duits Ă  leur taille atomique section 2 ; et enfin comment la notion de structure devrait cĂ©der la place Ă  celle de circulation d’ensembles conçus diffĂ©remment section 3. Les derniĂšres sections offrent une description visuelle de l’ ensemble » qui s’avĂšre bien plus petit que ses constituants section 4 et suggĂšrent une approche Ă  la navigation Ă  travers les donnĂ©es, diffĂ©rente de celle associĂ©e Ă  l’idĂ©e de modĂ©lisation section 5.Comment les profils numĂ©riques modifient les relations Ă©lĂ©ment/ensemble5L’essentiel de notre analyse s’appuie sur la maniĂšre dont les profils dĂ©sormais disponibles sur de nombreuses plates-formes numĂ©riques modifient la dĂ©finition mĂȘme de ce que sont les individus – et, Ă  partir de lĂ , comment nous devrions traiter les ensembles. En surfant sur des plates-formes telles que Flickrℱ, ou MySpaceℱ, nous avons tous fait l’expĂ©rience de naviguer d’un page html Ă  l’autre, passant des individus aux groupes, sans jamais rencontrer rien que ne ressemble Ă  un saut de niveau. C’est cette expĂ©rience, si typique du Web que nous voulons utiliser comme base pour repenser la thĂ©orie sociale, car, grĂące Ă  elle, la navigation A-1 est devenue une expĂ©rience commune qui pourrait se rĂ©sumer en une phrase pour identifier un acteur, il faut dĂ©ployer son rĂ©seau. 6Prenons un exemple simple. Nous avons tous prĂ©parĂ© un jour un rendez-vous en cherchant sur Internet le nom de la personne que nous allions bientĂŽt rencontrer. Si, par exemple, nous cherchons sur Internet le curriculum vitae d’un chercheur dont nous n’avons jamais entendu parler, nous obtiendrons une liste d’élĂ©ments vagues au premier abord. Disons que nous venons d’apprendre qu’ HervĂ© C. » est maintenant professeur d’économie Ă  Sciences Po ». Au dĂ©but de la recherche, ce n’est rien de plus qu’un nom propre. Puis, nous dĂ©couvrons qu’il a un doctorat de Penn University », qu’il a Ă©crit sur les comportements de vote parmi les actionnaires d’entreprise », qu’il a dĂ©montrĂ© un thĂ©orĂšme sur l’irrationalitĂ© de l’agrĂ©gation », etc. Si nous parcourons la liste des caractĂ©ristiques, la dĂ©finition s’étendra jusqu’à ce que, paradoxalement, elle prĂ©cise de mieux en mieux de qui il s’agit. TrĂšs vite, comme dans le jeu du portrait, nous allons zoomer sur un nom et un seul, pour atteindre le rĂ©sultat unique HervĂ© C. ». Qui est cet acteur ? RĂ©ponse ce rĂ©seau. Ce qui n’était d’abord qu’une chaĂźne de mots sans signification, sans contenu, un simple point, possĂšde dĂ©sormais un contenu, c’est-Ă -dire un rĂ©seau que rĂ©sume un seul nom propre parfaitement spĂ©cifiĂ©. Cette sĂ©rie de caractĂšres – le rĂ©seau – peut maintenant s’entendre comme une enveloppe – l’acteur – qui renferme son contenu en une formule abrĂ©gĂ©e. 7Dans l’exemple, une entitĂ© est simplement dĂ©finie par la liste non exhaustive des donnĂ©es qui lui sont attachĂ©es. Pour utiliser la terminologie de la thĂ©orie de l’Acteur-RĂ©seau, un acteur est dĂ©fini par son rĂ©seau Law et Hassard, 1999. Ce rĂ©seau ne constitue pas un second niveau ajoutĂ© Ă  celui de l’individu, mais est exactement le mĂȘme niveau, dĂ©ployĂ© diffĂ©remment. En passant de l’acteur Ă  son rĂ©seau, nous restons au sein de A-1 Law, 2004.Figure 1DĂ©tail du profil » du mot clĂ© self-organisation »DĂ©tail du profil » du mot clĂ© self-organisation »Note Le rĂ©seau de la figure 1 a Ă©tĂ© dessinĂ© en prenant comme nƓuds tous les mots clĂ©s, les auteurs, les rĂ©fĂ©rences et les adresses des articles qui utilisent le mot clĂ© self-organisation » sur le Web of Science© entre 2006 et 2010. La taille des nƓuds et des Ă©tiquettes est proportionnelle au nombre d’articles dans lesquels un auteur, une institution, une rĂ©fĂ©rence ou un mot clĂ© lien entre deux nƓuds est créé chaque fois que les deux entitĂ©s apparaissent dans le mĂȘme article. Les liens sont pondĂ©rĂ©s en fonction de la frĂ©quence de la co-occurrence entre les positionner les nƓuds dans l’espace, nous avons utilisĂ© l’algorithme ForceAtlas 2 Jacomy, 2011 implĂ©mentĂ© dans le logiciel Gephi Cet algorithme assigne une force de rĂ©pulsion aux nƓuds et une force d’attraction aux liens pour obtenir une situation d’équilibre dans laquelle les nƓuds fortement liĂ©s tendent Ă  apparaĂźtre proches les uns des autres. Le nƓud correspondant Ă  self-organisation » a Ă©tĂ© effacĂ© par souci de lisibilitĂ© par dĂ©finition il Ă©tait connectĂ© Ă  tous les nƓuds du graphique.Toutes les images sont disponibles en haute dĂ©finition sur fait de se dĂ©placer facilement d’un profil Ă  un autre indique dĂ©jĂ  clairement que les thĂ©ories sociales partant des deux approches A-1 et A-2 ne se rapportent pas Ă  diffĂ©rents domaines de la rĂ©alitĂ©, mais Ă  diffĂ©rentes maniĂšres de naviguer parmi les donnĂ©es Franzosi, 2004 ; Michel et al., 2011. SpĂ©cifique » et gĂ©nĂ©ral », individu » et collectif », acteur » et systĂšme » ne constituent pas des rĂ©alitĂ©s substantielles mais des termes provisoires qui dĂ©pendent plutĂŽt de la facilitĂ© avec laquelle nous naviguons entre les profils et parvenons Ă  les englober par un nom propre. Plus la navigation est difficile, plus sera grande la tentation de les traiter selon l’approche par deux niveaux A-2. Tant qu’il est difficile d’accĂ©der Ă  la liste de tous les articles d’une sous-catĂ©gorie telle que votes de la super-majoritĂ© », on est tentĂ© de la dĂ©finir comme un ensemble » dont l’individu professeur nommĂ© HervĂ© C. » ne serait qu’un membre » – c’est justement ce que fait la notion de paradigme scientifique » au sens de Thomas Kuhn voir ci-dessous. MĂȘme chose s’il n’existe pas de bon site internet listant tous les universitaires de l’universitĂ© appelĂ©e Sciences Po ». Dans ce cas, on sera tentĂ© de dire qu’il existe une entitĂ© dĂ©finie de maniĂšre gĂ©nĂ©rale – une personne morale », par exemple – dont le nom propre est Sciences Po », qui existe dans une indĂ©pendance relative par rapport Ă  tous les acteurs qui dĂ©finissent le contenu de son enveloppe. C’est lĂ  qu’entre en scĂšne l’analyse des deux niveaux un pour les composants, un autre pour l’ensemble. La tentation sera dĂšs lors irrĂ©sistible de regarder le niveau dit de la structure » pour dĂ©finir des caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©rales, et le niveau des individus si l’on veut Ă©tudier ce qu’ils ont de particulier. Et pourtant, cette distribution des rĂŽles entre niveaux n’est que l’effet du type de technologie utilisĂ©e pour naviguer Ă  travers les 2Exemple typique d’interface numĂ©rique montrant un mĂ©lange de donnĂ©es agrĂ©gĂ©es et distinctsExemple typique d’interface numĂ©rique montrant un mĂ©lange de donnĂ©es agrĂ©gĂ©es et distinctsNote La figure 2 montre un exemple typique de navigation dans un paysage de donnĂ©es complexe. La capture d’écran montre les donnĂ©es agrĂ©gĂ©es en haut, les statistiques Ă  droite et les blogs individuels en bas Ă  gauche, avec les mots surlignĂ©s l’exemple provient de la plate-forme Linkscape© par Linkfluence©. Ce type de superposition, en rendant visuellement cohĂ©rentes les deux extrĂ©mitĂ©s de tant de thĂ©ories sociales, aide Ă  reconsidĂ©rer l’idĂ©e tardienne selon laquelle micro et macro constituent un artĂ©fact de la maniĂšre dont les donnĂ©es sont les images sont disponibles en haute dĂ©finition sur meilleure preuve que ces deux niveaux ne correspondent Ă  aucun vĂ©ritable domaine ontologique est qu’ils commencent Ă  disparaĂźtre, pour ĂȘtre littĂ©ralement redistribuĂ©s chaque fois qu’on modifie ou qu’on amĂ©liore la qualitĂ© d’accĂšs aux fichiers de donnĂ©es, permettant ainsi Ă  l’observateur de dĂ©finir n’importe quel acteur par son rĂ©seau et vice versa. C’est exactement ce que subissent les notions mĂȘmes d’ individu » et d’ ensemble », grĂące Ă  la remarquable extension des outils numĂ©riques. L’expĂ©rience de plus en plus commune aujourd’hui de naviguer d’un Ă©lĂ©ment Ă  un ensemble peut pousser les chercheurs Ă  accorder moins d’importance Ă  ces deux extrĂ©mitĂ©s provisoires. Au lieu de devoir choisir, et donc sauter de l’élĂ©ment Ă  l’ensemble, du niveau micro au niveau macro, on occupe toutes sortes d’autres positions, en rĂ©organisant constamment la maniĂšre dont les profils sont interconnectĂ©s et entrecroisĂ©s. Ce phĂ©nomĂšne est bien connu non seulement par la thĂ©orie de l’acteur-rĂ©seau, mais aussi par les chercheurs travaillant sur l’analyse de rĂ©seaux White, 2008. Évidemment, nous ne prĂ©tendons pas que les profils numĂ©riques seraient si complets et si rapidement accessibles qu’ils auraient dĂ©jĂ  dissous les deux niveaux, mais seulement qu’ils les ont suffisamment redistribuĂ©s pour montrer que l’analyse par niveaux n’est pas le seul moyen de traiter la navigation dans les donnĂ©es. 10Pour rĂ©sumer cette premiĂšre section, nous affirmerons que si nous avons pris l’habitude de traiter diffĂ©remment une entitĂ© et son contexte, c’est seulement par manque d’accĂšs Ă  la liste de ses propriĂ©tĂ©s. Au minimum, les profils numĂ©riques disponibles posent Ă  la thĂ©orie sociale de nouvelles questions qui ne peuvent pas ĂȘtre abordĂ©es dans le cadre d’une opposition entre l’approche par l’élĂ©ment et celle par l’ isoler des monades » entrecroisĂ©es11AprĂšs avoir donnĂ© un avant-goĂ»t de notre analyse, passons Ă  ses aspects plus opĂ©ratoires et techniques. Dans l’approche par deux niveaux A-2, la procĂ©dure la plus courante pour distinguer les macrostructures des microrelations consiste Ă  Ă©tablir un premier niveau d’entitĂ©s distinctes, puis Ă  leur donner quelques rĂšgles d’interaction et d’observer enfin si la dynamique de ces interactions permet de voir apparaĂźtre un second niveau, celui du collectif. Ce second niveau aurait gĂ©nĂ©rĂ© suffisamment de nouvelles propriĂ©tĂ©s pour mĂ©riter le titre de structure, c’est-Ă -dire une autre entitĂ© pour laquelle il serait possible de dire qu’elle est plus que la somme de ses composants ». C’est le cas dans la plupart des modĂšles de comportements collectifs, qu’il s’agisse d’atomes, de gaz, de molĂ©cules, d’insectes, d’essaims, de marchĂ©s, de foules, d’États, de vie artificielle, etc. voir Moussaid et al., 2009, par exemple. La force explicative et la simple beautĂ© de ces modĂšles sont liĂ©es Ă  un tel minimax obtenir la structure la plus durable et la plus solide Ă  partir de l’ensemble de rĂšgles le plus petit possible. 12Il faut souligner ici que, depuis le dix-septiĂšme siĂšcle, ce modĂšle a toujours Ă©tĂ© Ă©tabli par contraste avec un autre modĂšle, apparemment totalement opposĂ©, qui met, quant Ă  lui, au dĂ©but une entitĂ© sui generis – par exemple un corps, un organe, un super-organisme, une fourmiliĂšre, une ruche, une sociĂ©tĂ©, un État, etc. – afin, ensuite, d’en dĂ©finir les composants » distincts selon leurs rĂŽles » et leurs fonctions ». Cette alternative est souvent appelĂ©e holiste » ou organiciste » Weick, 1995. Bien que les deux visions diffĂšrent gĂ©nĂ©ralement dans les consĂ©quences politiques que l’on peut en tirer Hirshmann, 1980, elles ne sont pour nous que deux façons diffĂ©rentes de traiter le phĂ©nomĂšne social par le biais de la mĂȘme approche A-2. Les deux approches reposent sur des techniques de collecte de donnĂ©es quasi identiques. Leur principale diffĂ©rence rĂ©side dans l’ordre chronologique par lequel elles listent les deux concepts du micro au macro pour la premiĂšre, du macro au micro pour la seconde. Ce que la seconde prend comme point de dĂ©part, la premiĂšre le prend comme but final. 13Prenons le premier cas comme point de dĂ©part, puisque c’est le plus frĂ©quemment utilisĂ© de nos jours. Pour dĂ©finir le premier niveau, le concepteur du modĂšle doit imaginer des entitĂ©s indivisibles, distinctes et dotĂ©es d’aussi peu de caractĂ©ristiques que possible ; ensuite, il conçoit des rĂšgles d’interaction entre ces entitĂ©s atomiques – toujours, aussi simples que possible ; puis, il observe comment ces interactions, aprĂšs nombre de fluctuations, se stabilisent suffisamment pour mĂ©riter le nom de structure ; et enfin, il vĂ©rifie si cette structure est suffisamment solide pour remplacer le tout » que leurs adversaires – les thĂ©oriciens holistiques ou organicistes – prĂ©tendent antĂ©rieurs ou supĂ©rieurs aux parties » Wilson, 1975. 14Ces stratĂ©gies de recherches sont utilisĂ©es, par exemple, par les Ă©thologistes pour reproduire la gĂ©omĂ©trie hautement complexe de la fourmiliĂšre avec seulement quelques rĂšgles d’interaction entre des fourmis aveugles et considĂ©rĂ©es comme des acteurs interchangeables dans le but de prouver qu’une fourmiliĂšre n’est pas un super-organisme Pasteels et Deneubourg, 1987 ; Moussaid et al., 2009 ; Kuong et al., 2011. Cette stratĂ©gie mĂšne Ă©galement aux fascinants modĂšles de marchĂ©s oĂč, sans le coup de pouce de la main invisible », la simple interaction entre des individus Ă©goĂŻstes, mais calculateurs, aboutit Ă  une rĂ©partition des ressources plus Ă©quitable que celle qu’un État aurait pu gĂ©nĂ©rer. C’est aussi le cas des gĂšnes Ă©goĂŻstes » coordonnant des parties du corps pour un rĂ©sultat qu’aucun organe supĂ©rieur Ă  une cellule n’aurait pu dicter Kupiec et Sonigo, 2000. Cela arrive Ă©galement lorsque des sociologues cartographient les schĂ©mas de sĂ©grĂ©gation d’une ville Ă  l’aide des deux seules rĂšgles d’attraction et rĂ©pulsion entre individus voisins Schelling, 1971 ; Grauwin et al., 2009. 15Cette approche A-2 permet de reproduire et de prĂ©voir la dynamique de certains phĂ©nomĂšnes collectifs dans lesquels le comportement des individus peut ĂȘtre dĂ©crit de maniĂšre satisfaisante Ă  partir de quelques rĂšgles et paramĂštres simples. Prenons pour exemple le public d’un stade faisant la Ola ! ». Cette vague humaine peut ĂȘtre expliquĂ©e en caractĂ©risant les rĂ©actions des individus par trois Ă©tats enthousiaste, actif et passif Farkas, 2002. En calculant les probabilitĂ©s de transition entre ces Ă©tats, les scientifiques peuvent prĂ©dire la taille, la forme, la vitesse et la stabilitĂ© de la Ola ! » naissante. Ils pourraient mĂȘme prĂ©dire la manifestation d’une telle vague en fonction du nombre d’initiateurs pour dĂ©clencher une Ola ! », il faut une masse critique d’initiateurs. Lorsqu’une poignĂ©e de paramĂštres suffit Ă  stimuler la dynamique d’un systĂšme, on peut dĂ©crire les individus comme des atomes Barabasi, 2003 ; Cho, 2009. Cette approche s’est avĂ©rĂ©e utile pour comprendre les caractĂ©ristiques de files d’attente, d’embouteillages, de mouvements de foule, etc. 16Mais les humains ne passent pas leur temps dans des files d’attente, des embouteillages ou des mouvements de foule ! Il serait dommage de limiter la portĂ©e de la quantification de la thĂ©orie sociale Ă  ces quelques comportements. Le problĂšme de l’approche atomiste » est qu’elle se rĂ©vĂšle incapable de comprendre les dynamiques collectives plus complexes. Plusieurs causes ont Ă©tĂ© avancĂ©es pour expliquer ce problĂšme par exemple que le comportement humain ne peut gĂ©nĂ©ralement pas ĂȘtre prĂ©dit par des rĂšgles qui seraient indĂ©pendantes du contexte, rĂšgles qui sont nĂ©anmoins nĂ©cessaires Ă  l’écriture d’un algorithme Flyvjberg, 2001. Cependant, la vĂ©ritable explication, selon nous, est que l’approche A-2 part d’une vision trop restreinte du social pourquoi prĂ©sumer qu’il existe d’abord des agents simples, puis des interactions, puis une structure complexe – ou le contraire ? Pourquoi distinguer des instants successifs – dans quelque ordre que ce soit ? 17Une telle segmentation est particuliĂšrement Ă©trange quand il devient si facile de collecter beaucoup d’informations sur chaque entitĂ© distincte prise dans ses connexions avec d’autres afin d’en extraire le profil Ă©largi. Si la complexitĂ© des Ă©lĂ©ments distincts peut ĂȘtre Ă©tudiĂ©e et traitĂ©e, pourquoi serait-il nĂ©cessaire de dĂ©pouiller d’abord ces Ă©lĂ©ments de toutes leurs caractĂ©ristiques ? Pourquoi les modĂšles devraient-ils fonctionner de maniĂšre classique en ajoutant des rĂšgles d’interactions simples entre des atomes maintenant dĂ©possĂ©dĂ©s du rĂ©seau de propriĂ©tĂ©s qu’ils possĂ©daient auparavant ? Et pourquoi la complexitĂ© devrait-elle ĂȘtre le rĂ©sultat d’un ensemble calculĂ©, alors qu’elle Ă©tait lĂ  dĂšs le dĂ©part ? Ce qui apparaissait comme du bon sens avec une certaine technologie de collecte de donnĂ©es pourrait cesser de l’ĂȘtre maintenant que les profils sont si facilement accessibles. 18Dans l’approche A-1, en revanche, les Ă©lĂ©ments ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s, au sens strict, comme interagissant les uns avec les autres ils sont l’un et l’autre Ă  la fois, ou, mieux, ils se possĂšdent l’un l’autre, puisque chaque entrĂ©e de la liste qui caractĂ©rise une entitĂ© peut aussi ĂȘtre une entrĂ©e de la liste caractĂ©risant une autre entitĂ© Tarde, 1903, 1999 [1895]. En d’autres termes, l’association n’intervient pas aprĂšs que des entitĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©finies par quelques propriĂ©tĂ©s, mais constitue ce qui caractĂ©rise les entitĂ©s en premier lieu Dewey, 2010. On peut mĂȘme prĂ©tendre que la notion d’ interaction » en tant que rencontre entre Ă©lĂ©ments distincts est la consĂ©quence du fait que l’on possĂšde des informations limitĂ©es sur les attributs qui dĂ©finissent ces Ă©lĂ©ments Latour, 2010. 19Mais existe-il une alternative Ă  la logique qui diffĂ©rencie atomes, interactions et ensembles comme des sĂ©quences successives, quels qu’en soient l’ordre et la chronologie ? Une alternative qui n’obligerait pas l’observateur Ă  passer du niveau micro au niveau macro comme l’exige l’approche A-2, mais qui resterait, comme le rĂ©clame la thĂ©orie de l’acteur rĂ©seau, totalement plane » ? 20Il nous semble que l’alternative Ă  la structure atome-interaction serait ce que Gabriel Tarde appelait, en rĂ©fĂ©rence Ă  Leibniz, une monade » Tarde, 1999 [1895]. Une monade n’est pas une partie de l’ensemble, mais un point de vue sur toutes les autres entitĂ©s prises conjointement et non pas saisies Ă  la façon d’une totalitĂ©. Bien que les historiens de la philosophie dĂ©battent encore de ce qu’est une monade pour Leibniz et ce qu’a vraiment voulu dire Tarde Milet, 1970 ; Candea, 2010, nous prĂ©tendons que cette notion quelque peu exotique pourrait ĂȘtre rendue pleinement opĂ©rationnelle par la navigation Ă  travers les profils numĂ©riques que nous venons d’esquisser. 21Notre argument repose sur la pratique d’un lent apprentissage de ce qu’ est » une entitĂ© quand on ajoute de plus en plus d’élĂ©ments Ă  son profil. Au dĂ©but, l’entitĂ© n’est qu’un point dans notre exemple, elle n’est qu’un nom propre HervĂ© C. », une entrĂ©e sur laquelle on clique sur l’écran d’un ordinateur puis elle se remplit » avec de plus en plus d’élĂ©ments qui la prĂ©cisent jusqu’à ce que l’observateur considĂšre qu’il en sait suffisamment et qu’il commence Ă  associer le nom propre de l’entitĂ© Ă  la liste tout entiĂšre. Que s’est-il passĂ© ? Nous avons dĂ©fini une monade, c’est-Ă -dire un point de vue trĂšs spĂ©cifique – telle ou telle entitĂ© – Ă  partir de toutes les autres entitĂ©s prĂ©sentes dans l’ensemble de donnĂ©es. Le principe de cette navigation est qu’elle ne commence pas avec des Ă©lĂ©ments interchangeables – comme avec l’approche A-2 – mais individualise une entitĂ© en dĂ©ployant ses caractĂ©ristiques. Plus la liste des Ă©lĂ©ments s’accroĂźt, plus le point de vue sur cette monade particuliĂšre se prĂ©cise. Il commence par un point, et il se termine pour l’instant en monade, avec un intĂ©rieur englobĂ© par une enveloppe. Si l’on devait poursuivre la recherche indĂ©finiment, le monde entier », comme disait Leibniz, serait saisi » ou reflĂ©tĂ© » par ce point de vue idiosyncratique. 22Comme nous l’avons vu, l’intĂ©rĂȘt crucial de cette notion de monade – si on met de cĂŽtĂ© sa mĂ©taphysique exotique – est qu’elle est pleinement rĂ©versible, un aspect qu’il Ă©tait impossible de mettre en Ɠuvre avant l’accĂšs aux mĂ©dias numĂ©riques. Chacun des Ă©lĂ©ments utilisĂ©s pour dĂ©finir l’entitĂ© est lui-mĂȘme modifiĂ© en devenant un Ă©lĂ©ment de cette entitĂ©. Dans notre exemple, bien qu’ĂȘtre professeur Ă  Sciences Po » dĂ©finisse qui est HervĂ© C. », lorsqu’on passe en quelques clics Ă  Sciences Po » nous rĂ©alisons que cela est devenu un corps acadĂ©mique lĂ©gĂšrement diffĂ©rent maintenant qu’il est capable d’attirer un mathĂ©maticien » et un Ă©conomiste rĂ©putĂ© de l’étranger » comme doyen des affaires acadĂ©miques ». Sciences Po » aussi a Ă©tĂ© individualisĂ©e et elle ne peut en aucune façon ĂȘtre prise pour un Ă©lĂ©ment du contexte » Ă  l’intĂ©rieur duquel HervĂ© C. » devrait ĂȘtre situĂ© ». En d’autres termes, selon la façon dont on navigue sur son profil, Sciences Po » est Ă©galement une monade. 23Le cĂŽtĂ© rafraĂźchissant de cette nouvelle habitude de circuler est qu’on n’a jamais Ă  identifier une entitĂ© comme partie d’un tout », puisqu’il n’y a pas de tout. En effet, dans l’approche A-1, il n’y a, au sens strict du terme, aucun atome isolĂ© les profils sont totalement dĂ©ployĂ©s au travers de leurs attributs, ni aucun tout chaque tout est la liste des acteurs qui le composent. L’expĂ©rience de naviguer parmi les profils disponibles sur des plates-formes numĂ©riques est telle que, lorsqu’on passe d’une entitĂ© – la substance – Ă  son rĂ©seau – ses attributs –, on ne passe pas du particulier au gĂ©nĂ©ral, mais du particulier Ă  d’autres particuliers. 24En d’autres termes, tant la notion de contexte » que celle d’ Ă©lĂ©ment » peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des artefacts dus Ă  l’usage de certains outils de navigation Hagerstrand, 1953 ; Garfinkel, 2002 ; Latour, 2006. Élargissez la liste des entrĂ©es, facilitez la navigation, visualisez correctement l’ intĂ©rieur » de chaque monade et vous pourriez bien ne pas avoir besoin du tout du schĂ©ma structure-atome-interaction ou de la rĂ©partition entre acteurs et systĂšme. Vous passerez de monades en monades, sans jamais quitter le niveau des particuliers et pourtant, vous ne rencontrerez pas le moindre Ă©lĂ©ment de taille atomique, sauf au premier clic, lorsque vous commencerez vos recherches sur un Ă©lĂ©ment et n’obtiendrez qu’un point vide. 25À prĂ©sent, notre hypothĂšse de travail devrait ĂȘtre plus claire il doit ĂȘtre possible de passer d’un particulier Ă  un autre en obtenant en chemin des ensembles partiels et sans jamais recourir Ă  aucun des trois concepts qui composent l’approche A-2 il n’existe pas d’élĂ©ment distinct ; ils n’interagissent pas ; il n’y a pas de tout supĂ©rieur aux parties. Une conclusion aussi radicale s’explique en partie par la nouvelle disponibilitĂ© de donnĂ©es qui permettent aux entitĂ©s d’ĂȘtre distinguĂ©es par la liste non exhaustive des attributs qui les composent. C’est ce qu’on veut dire par une monade, un point de vue, ou, plus exactement, un genre de navigation qui compose une entitĂ© au travers d’autres entitĂ©s et, par ce biais, les singularise toutes successivement – toutes » Ă©tant une liste ouverte dont la taille et la prĂ©cision dĂ©pendent de recherches complĂ©mentaires et jamais de l’irruption soudaine d’un niveau supĂ©rieur. 26En d’autres termes, les donnĂ©es peuvent ĂȘtre traitĂ©es par deux procĂ©dures de navigation opposĂ©es une qui repose sur une sĂ©rie de sauts de l’atome Ă  l’interaction puis Ă  la structure – et vice versa, et l’autre qui repose sur le principe monadologique. Introduit dans la thĂ©orie sociale par Tarde par le biais de moyens littĂ©raires, puis abandonnĂ© en raison du manque de moyens empiriques pour la mettre en Ɠuvre, ce principe pourrait connaĂźtre une seconde vie grĂące aux nouvelles techniques de navigation et de visualisation numĂ©riques disponibles Candea, 2010. 27Pour rĂ©sumer cette deuxiĂšme section, il est important de souligner que nous sommes parfaitement conscients qu’une telle dĂ©finition reste trĂšs tributaire de la qualitĂ© et de la quantitĂ© d’informations ainsi que des techniques de visualisation Ă  notre disposition. Souvenons-nous que notre analyse est strictement limitĂ©e au processus de recherches dans les bases de donnĂ©es numĂ©riques et que nous ne tenons pas compte de la maniĂšre dont ces Ă©lĂ©ments sont collectĂ©s dans la vraie vie ». Nous admettons qu’identifier des monades ne sera pas toujours faisable. Pour la plupart des entitĂ©s, le profilage sera impossible pour un certain nombre de raisons nos techniques d’observation sont trop rudimentaires pour suivre chaque entitĂ© individuellement – c’est souvent le cas avec les fourmis d’une fourmiliĂšre, les cellules d’un organe, des acteurs humais dans un sondage de grande Ă©chelle ;les entitĂ©s sont vraiment interchangeables puisqu’il n’y a aucun moyen, mĂȘme avec les outils de suivi les plus sophistiquĂ©s, de les diffĂ©rencier entre elles – ce sera le cas d’atomes dans un gaz Jensen, 2001 ;mĂȘme s’il Ă©tait possible de les diffĂ©rencier, la plupart de ces informations devraient ĂȘtre effacĂ©es ou gardĂ©es secrĂštes pour des raisons d’éthique – c’est gĂ©nĂ©ralement le cas des appels tĂ©lĂ©phoniques, rĂ©seaux sociaux, fichiers mĂ©dicaux, etc. ;bien qu’elles se revendiquent transparentes et Ă©galitaires, la plupart des bases de donnĂ©es actuelles sont pleines d’inĂ©galitĂ©s de statuts et la plupart dĂ©pendent de dĂ©finitions plutĂŽt grossiĂšres du monde affirmons simplement que chaque fois qu’il est possible de recourir aux profils, le principe monadologique se rĂ©vĂ©lera fructueux. La raison pour laquelle nous insistons tant sur cet aspect est qu’il suit un autre des raisonnements de Tarde qui stipule que l’approche A-1 n’a pas du tout Ă  ĂȘtre limitĂ©e aux acteurs humains. Chaque fois qu’un chercheur a rĂ©ussi, par le biais d’une stratĂ©gie de recherche habile, Ă  isoler des profils particuliers d’agents – babouins Strum et Fedigan, 2000, bactĂ©ries Stewart et al., 2004, publications scientifiques Chavalarias et Cointet 2006, rĂ©seaux sociaux White, 2008, corporations Stark et Vedres 2006, pour citer quelques exemples qui ont fourni des rĂ©sultats remarquables – la portĂ©e de l’approche A-2 s’est considĂ©rablement affaiblie. Ainsi, les premiers primatologues considĂ©raient les babouins comme vivant Ă  l’intĂ©rieur » d’une structure sociale trĂšs rigide dominĂ©e exclusivement par les mĂąles, jusqu’à ce que des techniques plus avancĂ©es d’individualisation permettent de cartographier la contribution de tous les individus superposĂ©s, rĂ©vĂ©lant les qualitĂ©s sociales remarquables des femelles babouins Strum, 1995. C’est la raison pour laquelle nous sommes convaincus que la procĂ©dure de navigation A-1 apportera une alternative utile dans la collecte et l’organisation de bases de passer du mĂ©ta-rĂ©partiteur »28AprĂšs avoir montrĂ© comment la notion de monade peut modifier la distribution des rĂŽles entre Ă©lĂ©ments de taille atomique et interactions, nous devons Ă©tudier comment elle peut se substituer Ă  la notion de structure – que cette derniĂšre apparaisse avant les interactions comme dans les thĂ©ories holistes, ou Ă  la fin, comme dans les thĂ©ories individualistes. Avons-nous vraiment besoin de ce niveau pour comprendre le comportement collectif maintenant qu’il est devenu plus simple d’accĂ©der Ă  des profils Ă©largis et superposĂ©s ? 29Le problĂšme vient du point de dĂ©part utilisĂ© dans l’approche A-2 pour formuler cette question. Dans sa version la plus classique, elle repose sur la prĂ©somption que les comportements collectifs sont dĂ©terminĂ©s Ă  partir d’un point central qui demeure une constante, quel que soit le nom qu’on lui donne au fil de l’histoire intellectuelle providence, super-organisme, État, organe politique, sĂ©lection naturelle, etc. Pour rester neutre, on l’appellera un mĂ©ta-rĂ©partiteur. Cette idĂ©e est si profondĂ©ment ancrĂ©e que mĂȘme ceux qui contestent son existence ne peuvent s’empĂȘcher de la prendre comme point de dĂ©part. C’est parce qu’ils se sentent obligĂ©s de discuter l’existence de ce mĂ©ta-rĂ©partiteur que nombre de scientifiques, lorsqu’ils Ă©laborent leurs modĂšles, dĂ©finissent la question de la maniĂšre suivante comment se fait-il que les individus puissent crĂ©er un ordre sans l’existence d’aucun rĂ©partiteur ? » 30Par exemple, comment les fourmis, sans aucun super-organisme et en l’absence de planification centralisĂ©e du type esprit de la fourmiliĂšre », sont-elles nĂ©anmoins capables de construire des nids aussi fonctionnels Wilson, 1971 ; Kuong et al., 2011 ; comment le public d’un stade peut-il si bien coordonner les mouvements d’une Ola ! » sans aucun Ă©lĂ©ment centralisateur donnant le signal ou des instructions pour lancer le processus de la vague Farkas, 2002 ; comment un vol d’oiseaux, les Ă©lĂ©ments Ă©goĂŻstes et calculateurs d’un marchĂ©, et ainsi de suite, peuvent-ils faire preuve d’ordre sans qu’un ordre soit donnĂ© ? La fourmi ne voit pas la globalitĂ© du nid ; le fan de football ne contrĂŽle pas le mouvement de la Ola ! » ; aucun oiseau n’a de vision du vol tout entier, aucun gĂšne n’anticipe le phĂ©notype qu’il finit par produire, aucun agent Ă©conomique n’entrevoit la globalitĂ© du marchĂ©, etc. Et pourtant, les gens semblent s’étonner qu’au final, il existe des structures et des ordres. D’oĂč l’objectif annoncĂ© des thĂ©ories sociales de comprendre qu’un tel exploit soit possible en l’absence » de rĂ©partiteur central. Dans tous ces programmes de recherches, l’approche A-2 distingue d’un cĂŽtĂ© un mĂ©ta-rĂ©partiteur qui pourrait en thĂ©orie » obtenir le mĂȘme rĂ©sultat mais qui est dans les faits absent et, d’un autre cotĂ©, la surprenante capacitĂ© de chaque Ă©lĂ©ment de taille atomique Ă  obĂ©ir » Ă  l’ordre d’un maĂźtre inexistant. N’est-ce pas quasiment un miracle ? C’en est un en effet
 31Quoique cette approche semble de bon sens, nous pensons que c’est elle qui a acculĂ© de nombreux programmes de recherches dans une impasse. Elle implique en effet que la structure Ă©mergeant des interactions entre les Ă©lĂ©ments atomiques devrait, au final, imiter ce que le rĂ©partiteur absent Ă©tait censĂ© faire Ă  savoir, crĂ©er des rĂšgles de comportement et donner des ordres aux Ă©lĂ©ments. Comme nous le verrons, cette dĂ©finition place les analystes face Ă  un dilemme, les contraignant simultanĂ©ment Ă  dire que la structure fait le mĂȘme travail que le rĂ©partiteur mythique et pourtant que c’est totalement diffĂ©rent puisque le rĂ©partiteur n’existe pas ! Le rĂ©sultat net et paradoxal est de rendre le paradigme qui fait passer du niveau micro au macro impossible Ă  diffĂ©rencier de son prĂ©tendu opposant, qui va du macro au micro. S’il n’y a pas de rĂ©partiteur, pourquoi demander Ă  une structure Ă©mergente qu’elle remplisse les mĂȘmes fonctions que ce fantĂŽme ? L’existence subliminale d’un mĂ©ta-rĂ©partiteur – mĂȘme lorsqu’il est dit ne pas exister – paralyse les thĂ©ories sociales dans leur recherche du bon moyen de dĂ©finir le phĂ©nomĂšne clĂ© du social. C’est le fantĂŽme qui effraie la recherche, encore plus sĂ»rement que le mythe d’un individu conçu comme un atome Tarde, 1999 [1895]. 32De la mĂȘme façon que l’approche A-2 prend l’élĂ©ment individuel pour un atome, et donc passe Ă  cĂŽtĂ© du profil qui l’individualise comme nous avons vu dans la section 2, l’approche A-2 passe encore plus sĂ»rement Ă  cĂŽtĂ© de la dĂ©finition de ce qu’est une totalitĂ© en dĂ©finissant la structure comme l’équivalent fonctionnel du tout » absent. Si les monades ne sont pas des atomes, elles n’entrent pas » non plus dans » ou ne finissent pas par former » des structures. 33Cette analyse perd son apparence de radicalitĂ© lorsqu’on prend en compte, une fois de plus, l’expĂ©rience pratique consistant Ă  naviguer dans les fichiers de donnĂ©es. Lorsqu’on dit, par exemple, que des fourmis, en interagissant, produisent involontairement une fourmiliĂšre sans » ĂȘtre elles-mĂȘmes conscientes du plan d’ensemble », nous avons involontairement confondu deux points de vue diffĂ©rents celui de la fourmi et celui de l’éthologue. C’est ce qui explique la dĂ©connexion quand on dit que les fourmis, par le biais de leurs interactions aveugles, engendrent » la structure Ă©mergente du nid. À proprement parler, elles n’engendrent rien de la sorte – l’information concernant le nid qu’elles construisent est juste une autre monade, un nid individualisĂ© dĂ©fini par les fourmis qui vivent Ă  l’intĂ©rieur. Ce que nous appelons la structure Ă©mergente du nid » est une question qui concerne l’observateur humain mais pas les fourmis elles-mĂȘmes. Alors qu’en se basant sur l’approche A-2, il semble qu’il existe une voie qui mĂšne du premier niveau au second, cette voie n’est rien qu’une connexion virtuelle due au fantĂŽme du rĂ©partiteur central et au fait que les scientifiques oublient qu’ils observent la situation Ă  partir de deux points de vue sans aucun lien pratique entre eux les fourmis ne s’intĂ©ressent pas aux liens-atomiques-entre-fourmis-aveugles-mais-nĂ©anmoins-capables-de-rĂ©soudre-le-problĂšme-de-l’ordre-social-global ». Si nous voulions tenir compte de leur expĂ©rience de la globalitĂ©, les fourmis devraient pouvoir s’intĂ©resser Ă  un phĂ©nomĂšne entiĂšrement diffĂ©rent de celui de l’objectif fantĂŽme dĂ©signĂ© par l’approche A-2 – lĂ  rĂ©side le grand intĂ©rĂȘt du concept de la stigmergie » Theraulaz et Bonabeau, 1999. 34Il serait encore moins scientifique de demander aux fourmis de rĂ©soudre cette question anthropocentrique puisque celle-ci a peu de sens, mĂȘme pour des humains Garfinkel, 2002 ! Les ĂȘtres humains devraient eux aussi pouvoir bĂ©nĂ©ficier d’une expĂ©rience diffĂ©rente de la totalitĂ©. Il en va pour les hommes comme pour les fourmis – ou toute autre entitĂ© pour qui, en fonction des profils numĂ©riques disponibles, le principe monadologique peut ĂȘtre appliquĂ©. Aucune de ces entitĂ©s ne tente de rĂ©soudre la question des structures Ă©mergentes, pas plus les fourmis que les autres. Toutes sont activement occupĂ©es Ă  quelque chose de totalement diffĂ©rent puisque chaque monade, par dĂ©finition, possĂšde sa propre vision spĂ©cifique du tout ». Ce qui Ă©tait une connexion fictive pour les fourmis l’est aussi pour les humains. 35Naviguer Ă  travers les profils distincts implique que nous devons tenir compte d’autant de totalitĂ©s qu’il y a d’entitĂ©s, et que nous n’essayons pas de dĂ©finir un lien entre des atomes aveugles et des structures Ă©mergentes. L’approche A-1 devrait livrer une expĂ©rience diffĂ©rente des totalitĂ©s, exactement comme elle change la dĂ©finition de ce qu’est un agent individuel. D’aprĂšs nous, les techniques numĂ©riques rognent les deux extrĂ©mitĂ©s de ce que les thĂ©ories sociales considĂšrent comme leur ancrage indispensable, en donnant ainsi l’occasion d’illustrer d’autres visions de l’ordre social. Et pourtant, il est difficile de se dĂ©faire de l’impression que les Ă©lĂ©ments humains sont vraiment diffĂ©rents et devraient ĂȘtre traitĂ©s diffĂ©remment des autres entitĂ©s. Ils sont en effet diffĂ©rents mais pas nĂ©cessairement pour la raison gĂ©nĂ©ralement avancĂ©e par ceux qui veulent appliquer les mĂ©thodes quantitatives des sciences naturelles aux sociĂ©tĂ©s humaines. Les ĂȘtres humains diffĂšrent car ils sont souvent eux-mĂȘmes pourvus de nombreux instruments pour collecter, compiler, reprĂ©senter ou mĂȘme calculer le tout » dans lequel on dit qu’ils Ă©voluent DesrosiĂšres, 1993. C’est l’aspect essentiel de l’ethnomĂ©thodologie Garfinkel, 2007. C’est un principe important des science studies ainsi que l’argument central de la thĂ©orie de l’acteur-rĂ©seau, selon lequel les instruments pratiques qui permettent Ă  un acteur de voir la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre » devraient ĂȘtre pris en compte pour toute expĂ©rience de l’ordre social Law, 2004 ; Latour, 2006. Ce vaste programme de recherches a Ă©tĂ© adoptĂ© en physique Galison, 2003, biologie Landeker, 2007, comptabilitĂ© Power, 1995, Ă©conomie Callon, 1998, ainsi qu’en cartographie Jacob, 1992, gĂ©ographie Glenny et Thrift, 2009 et mĂȘme en sociologie Foucault, 1997. Chaque fois, il est possible de dĂ©montrer que les instruments fournissent une vision Ă  la fois vaste et limitĂ©e de l’ensemble, que nous avons appelĂ©, pour cette raison, oligoptique par opposition Ă  panoptique Latour et Hermant, 1998. C’est lĂ  le type de stigmergie » pertinente pour les acteurs humains. 36L’existence de ces oligoptiques est typique des sociĂ©tĂ©s humaines et justifie que, lorsqu’on rĂ©fĂšre aux associations entre humains, il soit pertinent de parler de totalitĂ©s. NĂ©anmoins, il faut prendre en compte de nombreux types de totalitĂ©s » pour rendre compte de l’étrange obsession des monades humaines pour dĂ©crire leurs propres interactions et pour stabiliser, simplifier et standardiser leurs connexions entrecroisĂ©es voir section 5. Ceci a peu de rapport avec le fait de passer d’un niveau Ă  un autre, comme suggĂ©rĂ© par l’approche A-2. C’est une chose de dire que, contrairement aux agents humains, les fourmis ou oiseaux, cellules, atomes ne bĂ©nĂ©ficient pas de ces technologies intellectuelles » pour construire des ensembles partiels. C’en est une complĂštement diffĂ©rente de prĂ©tendre qu’il existe un second niveau, celui d’un tout » qui serait commun Ă  la fois aux fourmis et aux hommes. Les deux arguments ne dĂ©coulent pas du tout l’un de l’autre. 37Pour saisir ce qui n’en reste pas moins une vĂ©ritable diffĂ©rence entre les sociĂ©tĂ©s d’humains et les autres surtout les collectifs ayant un fort dĂ©veloppement scientifique et technique, disons que les monades sont mieux dĂ©finies par une approche que nous appellerons A-1,5. Par cette expression nous voulons dire que a mĂȘme si chaque monade possĂšde sa propre version du tout, il existe une sĂ©rie d’instruments intellectuels et techniques pour favoriser le chevauchement de diffĂ©rentes dĂ©finitions distinctes de cet ensemble, sans que ces diverses dĂ©finitions parviennent Ă  s’agrĂ©ger suffisamment pour crĂ©er un second niveau qui les unifierait toutes et b que cela explique l’impression qu’il y a plus » dans les actions collectives que ce qui existe dans les atomes individuels. Cette expression d’une approche A-1,5 n’est qu’un moyen de rappeler au lecteur notre thĂšse gĂ©nĂ©rale les deux extrĂ©mitĂ©s auxquelles tant de thĂ©ories sociales se trouvent accrochĂ©es – l’acteur et le systĂšme – ont perdu une grande partie de leur soliditĂ© avec le principe monadologique qui procure une autre expĂ©rience de la navigation Ă  travers les donnĂ©es numĂ©riques. 38La conclusion de cette troisiĂšme section est qu’une autre expĂ©rience d’ ĂȘtre Ă  l’intĂ©rieur d’un tout » devrait ĂȘtre explorĂ©e, qu’elle a peu de rapport avec le fait d’ ĂȘtre la partie » au sein d’une structure », que celle-ci soit pensĂ©e sous la forme d’un super-organisme sui generis ou d’un niveau naviguer Ă  travers le chevauchement des monades39AprĂšs avoir recouru aux outils numĂ©riques pour tester les dĂ©finitions alternatives d’atome, interactions et structures proposĂ©s par Tarde, nous sommes mieux Ă©quipĂ©s pour voir si la notion de chevauchement des monades parvient Ă  nous reprĂ©senter les donnĂ©es de façon cohĂ©rente. Nous affirmons que la plupart des objections levĂ©es contre les approches A-1 et A-1,5 et particuliĂšrement contre le retour imprĂ©vu de Tarde reposent sur un manque d’outils efficaces de visualisation. En leur absence, mĂȘme s’il existe une alternative thĂ©orique Ă  l’approche A-2, celle-ci continue Ă  sembler la seule solution acceptable. Pour montrer qu’il est possible de s’en passer, nous allons recourir Ă  l’exemple des paradigmes scientifiques. Leur Ă©tude bĂ©nĂ©ficie aujourd’hui d’un niveau de qualitĂ© et d’une masse d’informations sans Ă©gal dans d’autres domaines du comportement collectif puisque presque chaque mot Ă©crit par chaque auteur dans chaque publication citĂ©e dans n’importe quel texte postĂ©rieur est accessible en quelques clics sous forme numĂ©rique Grauwin et al., 2009 ; Grauwin, 2011 ; Grauwin, 2012 ; Cointet, 2009. De plus, cet exemple a Ă©tĂ© au cƓur de nombreuses Ă©tudes de sociologie des sciences Merton, 1973 et constitue l’exemple favori de Tarde
 On pourrait mĂȘme prĂ©tendre qu’avant l’avĂšnement des outils numĂ©riques, la littĂ©rature scientifique Ă©tait le seul domaine dans lequel la quantitĂ© et la qualitĂ© des informations Ă©tait semblable Ă  celle qui constitue aujourd’hui la norme pour toutes sortes de profils distincts – une idĂ©e fĂ©conde qui n’a pas Ă©chappĂ© aux fondateurs de Google Brin et Page, 1998. 40Poursuivons notre navigation Ă  travers les profils pour rĂ©pondre Ă  la question suivante Que signifie faire “partie” d’un paradigme P ? » Selon le principe monadologique, le point de dĂ©part a peu d’importance puisque, en partant de n’importe quelle entitĂ©, nous finirons par visiter la liste de tous ses attributs saisie Ă  partir de son point de vue spĂ©cifique nous pouvons commencer par un scientifique, un papier, un mot clĂ©, une institution ou une mĂ©thode expĂ©rimentale, selon notre envie. Commençons, par le cas de l’ auto-organisation » Ă  partir des mots clĂ©s et des citations des articles de ce domaine Grauwin, 2011.Figure 3Mot clĂ© self-organisation » en tant que tout » partielMot clĂ© self-organisation » en tant que tout » partielNote Le mot clĂ© self-organisation » en tant que tout » est le rĂ©sultat de l’intersection d’élĂ©ments qui sont bien plus riches que le mot clĂ© lui-mĂȘme. Pour obtenir cette figure, nous avons employĂ© la mĂȘme procĂ©dure utilisĂ©e dans la figure 1, mais en nous limitant aux 18 articles publiĂ©s en 1991 et laissons de cĂŽtĂ© les rĂ©fĂ©rences des articles. Pour souligner l’idĂ©e d’ intersection », les attributs des trois monades » articles sont montrĂ©s entourĂ©s d’une les images sont disponibles en haute dĂ©finition sur problĂšme, Ă  prĂ©sent, consiste Ă  cartographier autant de touts » qu’il y a de parties, c’est-Ă -dire de monades. Au lieu de diviser le travail entre des atomes, puis des interactions enfin des structures, nous allons dĂ©finir des intersections de monades Ă  chaque fois que les attributs d’une liste se retrouvent dans la liste d’une autre entitĂ© figure 3. Au lieu de suivre la stratĂ©gie de recherches habituelle passer des interactions simples Ă  des structures plus complexes », nous allons la prendre Ă  contre-pied commencer avec des chevauchements complexes de monades et dĂ©finir les quelques caractĂ©ristiques qu’elles partagent ». 42Il est vrai qu’en proposant une telle navigation nous nous Ă©loignons du rĂȘve de simulation et de prĂ©diction pour explorer une nouvelle voie, celle de la description oĂč la valeur ajoutĂ©e n’est plus le pouvoir de prĂ©diction, mais le passage progressif des chevauchements confus Ă  des mises au point successives d’ensembles provisoires. Au lieu d’essayer de simuler et prĂ©dire l’ordre social, nous prĂ©fĂ©rons suivre les traces laissĂ©es par le mouvement des acteurs afin de produire une base de donnĂ©es suffisamment riche Grauwin, 2011. En d’autres termes, l’exploration de donnĂ©es n’est pas le rĂ©sultat d’une pratique scientifique similaire Ă  la simulation au lieu de se demander comment les structures globales Ă©mergent des interactions locales, nous nous proposons d’illustrer un outil de navigation qui guide l’attention de l’observateur depuis des chevauchements confus vers les quelques Ă©lĂ©ments qui voyagent d’une monade Ă  l’autre, un peu Ă  la maniĂšre des normes et des standards dans les systĂšmes techniques Gleenie et Thrift, 2009. 43Avant de se plaindre que tout ceci est trop dĂ©routant, il convient de se rappeler combien il Ă©tait dĂ©routant, au dĂ©but, de devoir dĂ©finir une structure gĂ©nĂ©rale par exemple le paradigme de l’auto-organisation », pour ensuite montrer que la plupart des cas particuliers ne rentrent pas » dans cette structure gĂ©nĂ©rale. Thomas Kuhn, le premier Ă  introduire la notion de paradigme, savait bien Ă  quel point cette notion Ă©tait branlante, et chaque scientifique sait combien il est difficile de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment le domaine dans lequel il ou elle travaille. Est-il possible de rendre justice Ă  une expĂ©rience aussi commune en passant de la prĂ©diction et la simulation Ă  la description et Ă  l’exploration de donnĂ©es ? Notre approche suggĂšre une maniĂšre de naviguer Ă  travers les paysages des donnĂ©es d’un point de vue monadologique, ce qui permettrait de saisir la richesse des associations tout en restant fidĂšle Ă  la complexitĂ© des acteurs. 44C’est lĂ  que la question de visualisation devient si cruciale peut-on concevoir un espace dans lequel des monades idiosyncratiques pourraient ĂȘtre projetĂ©es et qui rĂ©vĂ©lerait ceux de leurs attributs qui se superposent sans crainte de perdre leurs spĂ©cificitĂ©s ? Pour Ă©tudier cette possibilitĂ©, nous devons prendre en compte deux pratiques communes en matiĂšre d’exploitation des donnĂ©es. 45La premiĂšre pratique consiste en ce geste souvent inconscient que nous faisons tous en encerclant une liste de caractĂ©ristiques une forme souvent appelĂ©e patate » ! et dĂ©cidons de considĂ©rer tous ces Ă©lĂ©ments comme plus ou moins similaires » et pouvant partager le mĂȘme nom peu importe ici que ce soit fait en observant simplement ces donnĂ©es en gros ou par le biais de calculs de correspondances extrĂȘmement sophistiquĂ©s. Notre but est de pouvoir tracer un tel cercle sans quitter l’approche A-1 puisque le tout n’est pas la structure Ă  laquelle les Ă©lĂ©ments sont censĂ©s appartenir comme dans l’approche A-2 mais une autre monade tout aussi spĂ©cifique que celles qui la composent » voir la dĂ©finition de Sciences Po » dans la section 1. Le fait de tracer un cercle n’est rien d’autre que la reconnaissance de la limite extĂ©rieure de la monade – dont l’enveloppe, ne l’oublions pas, est dĂ©finie par la liste de tous ses attributs distinctifs – et non pas la dĂ©limitation du rĂŽle » qu’elle jouerait » Ă  l’intĂ©rieur » de la structure ». On pourrait aussi dire que dans une approche A-1, les limites des monades devraient ĂȘtre dĂ©finies par l’extrĂ©mitĂ© provisoire de l’expansion de leur contenu, et non par l’ajout d’une catĂ©gorie venant d’ailleurs. 46La seconde expĂ©rience pratique consiste Ă  noter que de nombreux mouvements peuvent dĂ©sormais s’effectuer Ă  l’ordinateur qu’il n’était pas possible de rĂ©aliser sur papier une caractĂ©ristique qui rend la rĂ©daction d’articles sur le sujet trĂšs dĂ©licate !. La projection de monades qui s’entrecroisent cesse d’ĂȘtre aussi confuse s’il est possible de les faire apparaĂźtre successivement et de montrer comment chacune d’elles contribue au chevauchement voir le film qui s’y rapporte Comme nous l’avons dit plus haut, c’est cette nouvelle capacitĂ© de navigation qui a rendu les deux extrĂ©mitĂ©s usuelles de l’agent individuel » et de la structure » moins pertinentes que la superposition d’acteurs-rĂ©seaux explorĂ©s en succession voir figure 3. 47Si nous prenons en compte l’expĂ©rience de la navigation numĂ©rique, qu’advient-il de la notion de tout » ? Lorsque nous surfons sur un Ă©cran, zoomant en avant ou en arriĂšre, changeant les rĂšgles de projection, compilant et ventilant selon diffĂ©rentes variables, ce qui ressort est ce qui reste constant au travers des changements de perspectives Gibson, 1986. C’est lĂ  notre ensemble » au sens de l’approche A-1. Comme on s’y attendait, sa taille s’est considĂ©rablement rĂ©duite ! Au lieu d’ĂȘtre une structure plus complexe que ses composants distincts, elle est devenue un ensemble plus simple d’attributs dont la composition interne est en perpĂ©tuel changement. Le tout est dĂ©sormais beaucoup plus petit que la somme de ses Ă©lĂ©ments. Faire partie d’un ensemble n’est plus pĂ©nĂ©trer » Ă  l’intĂ©rieur d’une entitĂ© supĂ©rieure ni obĂ©ir » Ă  un mĂ©ta-rĂ©partiteur que ce rĂ©partiteur soit une personne morale, une sociĂ©tĂ© sui generis, ou une structure Ă©mergente. Pour quelque monade que ce soit, c’est partager une part d’elle-mĂȘme avec d’autres monades sans qu’aucune d’elles n’y perde son identitĂ© multiple. 48En rĂ©sumĂ©, nous nous trouvons face Ă  deux idĂ©es contradictoires de ce qu’est l’analyse de phĂ©nomĂšnes collectifs complexes. Dans l’approche A-2, il est possible de construire un modĂšle Ă  condition de commencer par de simples atomes qui interagissent selon des rĂšgles simples, et de tester si une structure stable apparaĂźt au final. Dans l’approche A-1, on commence, au contraire, par des acteurs-rĂ©seaux extrĂȘmement complexes qui n’ interagissent » pas vraiment, mais qui se superposent plutĂŽt l’un l’autre. Ensuite, on extrait de ces superpositions les attributs que certains partagent. Si les techniques de navigation que nous proposons fonctionnent – et c’est un trĂšs grand si » – nous serons parvenus Ă  cartographier un phĂ©nomĂšne collectif sans jamais tenir compte ni des composants individuels ni de la structure. Dans ce cas-lĂ , nous aurons justifiĂ© le concept que Tarde ne pouvait dĂ©montrer du fait de l’absence de donnĂ©es numĂ©riques disponibles
Apprendre Ă  visualiser des totalitĂ©s partielles »49Que signifie suivre un phĂ©nomĂšne collectif dans une procĂ©dure de navigation conforme Ă  l’approche A-1 ? Quand un observateur transforme rapidement un point sur lequel il clique en une monade pleinement dĂ©finie par la liste de ses attributs, il a dĂ©jĂ  Ă  faire avec un phĂ©nomĂšne collectif mais pas au sens que le mot collectif possĂšde dans l’approche A-2. L’observateur en effet collecte des articles successifs et les encercle dans ce qui est devenu le nom propre d’une monade spĂ©cifique. Dans ce cas, il a bien Ă  faire avec un collectif de type A-1, ou mieux, Ă  une activitĂ© de collecte cette activitĂ©, c’est cette monade qui regroupe, assemble, spĂ©cifie, saisie, englobe, enveloppe ces attributs d’une façon unique. 50Donc, alors que dans l’approche A-2, certains Ă©lĂ©ments sont destinĂ©s Ă  jouer le rĂŽle de parties » tandis que d’autres sont appelĂ©s des touts », dans l’approche A-1, nous ne tenons compte d’aucune diffĂ©rence de dimension entre les entitĂ©s. Dans l’exemple ci-dessus, on peut suivre n’importe quel fil comme point de dĂ©part pour dĂ©finir un paradigme un chercheur, un papier, une universitĂ©, un concept ou un mot clĂ©. Chacun d’eux est autant une partie » qu’un tout », c’est-Ă -dire une monade ou un acteur-rĂ©seau. En d’autres termes, chaque entitĂ© peut avoir son propre curriculum vitae, ou sa propre trajectoire au travers des attributs successifs. 51Le fait que, dans une approche A-1 toutes les entitĂ©s ont le mĂȘme statut ne signifie pas qu’elles soient identiques. Il est frĂ©quent, lorsqu’on surfe Ă  travers des fichiers de donnĂ©es, de rencontrer plus souvent certaines entitĂ©s que d’autres. Par exemple, dans la section 1, nous avons dit que Sciences Po » entrait dans le profil ou le curriculum vitae d’ HervĂ© C. ». Selon nos donnĂ©es, cependant, nous voyons que cet attribut apparaĂźt aussi dans les profils de Dominique B. » et Pierre-AndrĂ© R. », etc. Nous savons que cette rĂ©pĂ©tition ne signifie pas que c’est une structure » dont ces trois chercheurs seraient simplement membres, mĂȘme s’il est tentant de raccourcir cette liste en Ă©nonçant les faits de cette maniĂšre, et donc en retombant dans l’approche A-2. Ce que nous voulons, c’est demeurer tout au long dans les approches A-1 ou A-1,5. 52Pour comprendre pourquoi nous devons rĂ©sister Ă  la tentation de raccourcir les sĂ©ries de rĂ©pĂ©titions en les traitant comme des structures Ă©mergentes, il faut considĂ©rer que chaque fois que Sciences-Po » apparaĂźt dans le profil d’une autre monade, il est rĂ©pĂ©tĂ© avec des variations. Comme nous l’avons dit dans la section 1, chaque fois qu’une entitĂ© est associĂ©e Ă  une nouvelle monade, l’entitĂ© se distingue par le biais des associations prĂ©cĂ©dentes regroupĂ©es par cette monade. Le Sciences Po » d’ HervĂ© C. » est autant modifiĂ©e par le fait d’ĂȘtre le Sciences Po t » de Dominique B. ». Par consĂ©quent, nous avons Ă  prĂ©sent un nouveau fichier composĂ© de la rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes caractĂ©ristiques plus les variations qu’elles ont subies dans chacune des monades qui le composent. Un tel fichier est ce que les spĂ©cialistes des sciences sociales appellent une institution », une organisation », ou, plus simplement, un groupe ». 53Ce nouveau point doit ĂȘtre abordĂ© avec de grandes prĂ©cautions car, dans l’approche A-2, il a Ă©tĂ© confondu avec celui de la structure considĂ©rĂ© comme une entitĂ© d’un niveau supĂ©rieur, apparue mystĂ©rieusement suite Ă  des interactions au niveau infĂ©rieur. Émergeant Ă  un autre niveau, les structures sont dites indĂ©pendantes des interactions qui les ont créées et pourtant capables de leur envoyer des ordres, de dĂ©finir des fonctions, d’attribuer des rĂŽles aux Ă©lĂ©ments » Ă  la maniĂšre d’un mĂ©ta-rĂ©partiteur. C’est cette confusion qui a créé l’idĂ©e d’une personne morale » dont les humains ne seraient que de simples membres » provisoires. Plus d’un discours Ă©mouvant a Ă©tĂ© prononcĂ© par des responsables sur le contraste entre, par exemple, la structure durable » de l’universitĂ© et le rapide renouvellement de ses occupants Ă©phĂ©mĂšres et passagers – une approche A-2 par excellence
 54Dans l’approche A-1, les institutions ne ressemblent en rien aux structures, elles sont juste une certaine trajectoire Ă  travers les donnĂ©es, trajectoire qui dĂ©bute Ă  un point d’entrĂ©e diffĂ©rent de la base de donnĂ©es au lieu de demander quelles institutions apparaissent dans le profil d’un individu donnĂ©, nous demandons quels individus apparaissent dans le profil d’une institution. C’est la mĂȘme matrice mais pas la mĂȘme navigation les totalitĂ©s » ne sont rien de plus que d’autres moyens de traiter les profils entrecroisĂ©s. C’est ce type de navigation auquel Tarde a donnĂ© le nom ambigu d’ imitation » et ce type de dissĂ©mination qu’il a appelĂ© rayons imitatifs » Tarde, 1903 ; Sperber, 1996. Si nous avons raison, l’ imitation » pour lui n’est pas avant tout un phĂ©nomĂšne psychologique, mais la prise de conscience que les monades partagent des caractĂ©ristiques modifiĂ©es par chaque partage, et dont le rĂ©sultat est une liste composĂ©e du mĂȘme » Ă©lĂ©ment rĂ©pĂ©tĂ© diffĂ©remment Deleuze, 1968. 55Il n’y a donc pas de distinction notable, rĂ©elle, ontologique entre les concepts d’individus, de groupes ou d’institutions. La seule diffĂ©rence dans ce que nous appelons institutions est la monade qui revient le plus souvent dans la base de donnĂ©es – et sa dĂ©tection est empirique dĂ©pendant entiĂšrement de la qualitĂ© de la base de donnĂ©es. Dans l’exemple que nous avons utilisĂ© au dĂ©but de ce papier, la seule chose qui distingue Sciences Po » d’ HervĂ© C. » est le fait que la premiĂšre pourrait apparaĂźtre plus frĂ©quemment que le second
 Si dans le fichier de donnĂ©es, un Ă©lĂ©ment est citĂ© plus souvent, alors c’est une organisation, c’est-Ă -dire ce qui est distribuĂ© au travers d’une multiplicitĂ© de monades sans ĂȘtre elle-mĂȘme plus complexe qu’aucune d’elles – un peu Ă  la maniĂšre d’une norme ou d’un standard. Si HervĂ© C. Ă©tait citĂ© plus souvent que son Ă©cole, il serait cette institution
 56Si cette diffĂ©rence purement quantitative paraĂźt trop radicale, c’est que nous tirons la trĂšs simple consĂ©quence que tous les termes comme organisations » ou participants » comme tous les autres termes que nous avons utilisĂ©s dans ce papier – Ă©lĂ©ments », ensembles », individus », structure », membres », monades » – ne sont que des moyens de naviguer dans les donnĂ©es. Distinguer, collecter, regrouper, et coordonner sont autant de pistes laissĂ©es par les moteurs de recherche Ă  travers les profils constituĂ©s d’attributs rĂ©sumĂ©s par des noms servant de raccourcis. Comme Tarde l’a si remarquablement dĂ©crit, tous ces termes canoniques de la thĂ©orie sociale Ă©tant simplement l’enregistrement de diffĂ©rences quantitatives dans l’étendue relative des attributs Tarde, 1903 ; Latour, 2010. 57Cette dĂ©finition de ce que c’est qu’un groupe ou une association pourrait rĂ©soudre un problĂšme Ă©pineux qui a grandement empĂȘchĂ© que l’on se concentre sur le principal phĂ©nomĂšne du social – et pourrait aussi aider Ă  visualiser l’approche A-1. Les thĂ©ories venues de l’approche A-2 reposent souvent sur l’idĂ©e contradictoire que le niveau macro est composĂ© d’entitĂ©s virtuelles mais stables tandis que le niveau micro est composĂ© d’entitĂ©s rĂ©elles mais transitoires. Paradoxalement, on considĂšre que le plus durable existe virtuellement, tandis que ce qui existe vraiment » semble temporaire
 Ce type de dĂ©finition Ă©trange explique le mystĂšre entourant les phĂ©nomĂšnes collectifs, qu’il s’agisse des cellules d’un corps Riboli-Sasco, 2010, des fourmis d’une fourmiliĂšre ou d’acteurs d’une sociĂ©tĂ© Karsenti, 2006. 58Dans l’approche A-1, au contraire, il n’y a aucune ambiguĂŻtĂ© concernant le fait que les profils qui durent sont composĂ©s d’attributs qui ne durent pas Debaise, 2008. Si ce processus paraĂźt mystĂ©rieux, c’est seulement parce que nous nous trompons sur la diffĂ©rence qu’il s’agit expliquer nous croyons qu’il s’agit d’expliquer celle entre le virtuel et le rĂ©el, le macro et le micro, le gĂ©nĂ©ral et le particulier, alors qu’il faut dĂ©tecter la diffĂ©rence entre ce qui est transmis d’une monade Ă  l’autre, d’une part, et, d’autre part, la lĂ©gĂšre transformation subie par ce qui est transmis. Si Sciences Po » perdure, ce n’est pas parce qu’elle est supĂ©rieure ni mĂȘme diffĂ©rente des monades qui la composent. C’est parce qu’elle est rĂ©pĂ©tĂ©e avec des variations d’une monade Ă  l’autre suffisamment rĂ©pĂ©tĂ©e pour ĂȘtre identifiĂ©e comme Ă©tant la mĂȘme ; suffisamment variĂ©e pour ĂȘtre transposĂ©e plus loin dans le temps et l’espace. Loin d’exister Ă  un niveau supĂ©rieur et virtuel, ce que nous appelons institutions », organisations » ou groupes » n’est que l’effort des monades pour rendre certaines de leurs caractĂ©ristiques suffisamment flexibles pour ĂȘtre traduites par de nombreuses autres monades, et en mĂȘme temps s’avĂ©rer suffisamment stables pour ĂȘtre reconnues comme leurs transformations figure 4 a et b. Le travail nĂ©cessaire pour dĂ©finir les frontiĂšres d’une entitĂ© et lui assigner un nom propre fait partie de cet effort, de mĂȘme que le travail de prĂ©servation de la continuitĂ© de ces noms et de ces 4 a et bÉvolution progressive du tout » dĂ©fini par le mot clĂ© self-organisation » de 1990 Ă  2009Évolution progressive du tout » dĂ©fini par le mot clĂ© self-organisation » de 1990 Ă  2009Note a Pour chaque tranche de cinq ans, nous avons choisi les dix auteurs les plus productifs et les dix rĂ©fĂ©rences et mots clĂ©s les plus utilisĂ©s. Les auteurs, mots clĂ©s ou rĂ©fĂ©rences sont reliĂ©s Ă  la tranche de cinq ans dans laquelle ils apparaissent. La figure montre que, bien que la plupart des entitĂ©s auteurs, mots clĂ©s ou rĂ©fĂ©rences changent avec le temps, chaque tranche hĂ©rite quelque chose de son prĂ©dĂ©cesseur. Par exemple, dans les annĂ©es 1990, les scientifiques connectaient leur dĂ©finition d’auto-assemblage Ă  travers les neural networks », tandis que dans les annĂ©es 2000, growth » et nanostructures » deviennent un lien plus opĂ©ration est totalement rĂ©versible, comme montrĂ© dans la figure 4 b qui prend l’exemple de l’auteur J. M. Lehn un prix Nobel en chimie. En procĂ©dant exactement de la mĂȘme maniĂšre que dans la figure 4 a, nous montrons que, tandis que J. M. Lehn reste liĂ© au fil des annĂ©es Ă  Supramolecular Chemistry » et Complexes », ses collaborateurs ont changĂ©. Il en va de mĂȘme pour ses principaux centres d’intĂ©rĂȘts, passant de Double Helix » et Ligands » dans les annĂ©es 1990 Ă  self-assembly » dans les annĂ©es deux figures montrent aussi que la flĂšche du temps n’est pas forcĂ©ment linĂ©aire ce qui se traduirait dans une suite linĂ©aire des cercles rouges, mais plutĂŽt circulaire, car plusieurs Ă©lĂ©ments reviennent au fil des ans, produisant une attraction entre la premiĂšre tranche de cinq ans et la les images sont disponibles en haute dĂ©finition sur fois de plus, nous devons comprendre qu’encercler un ensemble de caractĂ©ristiques ne signifie pas qu’une structure prend le dessus, mais simplement que la limite de la monade a Ă©tĂ© atteinte et soulignĂ©e. À l’intĂ©rieur de ce cercle, tout pourrait changer avec le temps par exemple, le domaine de l’ auto-organisation » Ă  l’instant zĂ©ro peut ĂȘtre constituĂ© de mots clĂ©s, d’auteurs et des concepts A, B, C, puis, aprĂšs quelques rĂ©pliques, il pourrait se transformer pour inclure X, Y, et Z. Chaque article composant les profils successifs d’ auto-organisation » pourrait changer, de mĂȘme que le nom ce que nous appelons aujourd’hui auto-organisation » Ă©tait quelque chose d’entiĂšrement diffĂ©rent il y a quelques dĂ©cennies. Ce qui compte, c’est que le changement soit suffisamment progressif pour prĂ©server la continuitĂ©. Tout peut changer, mais pas d’un seul coup. Nous ne devons pas avoir Ă  dire et pourtant, c’est le mĂȘme paradigme de l’auto-organisation » comme si, par ces changements, quelque chose, la structure, Ă©tait restĂ© identique mĂȘme virtuellement. Nous devrions dire regardez, au contraire, comme il est diffĂ©rent ; mais grĂące Ă  la maniĂšre dont les participants ont imbriquĂ© leurs dĂ©finitions, chaque modification a hĂ©ritĂ© quelque chose de son prĂ©dĂ©cesseur au travers d’un canal qui peut ĂȘtre dĂ©fini en cliquant sur le profil de ce participant ». Encore une fois, une navigation diffĂ©rente gĂ©nĂšre une dĂ©finition diffĂ©rente de ce qui est collectif, c’est-Ă -dire une entitĂ© collectĂ©e. Au sens strict du terme, nous ne devrions plus parler de phĂ©nomĂšnes collectifs par opposition Ă  des phĂ©nomĂšnes individuels, mais seulement d’autant de façons diffĂ©rentes de collecter des cet article, nous avons saisi l’occasion offerte par la soudaine prolifĂ©ration de bases de donnĂ©es numĂ©riques pour revisiter l’ancienne thĂ©orie sociale proposĂ©e par Gabriel Tarde, avant que soient disponibles un grand nombre d’outils statistiques et avant le retranchement de bien des thĂ©ories sociales dans l’approche A-2. C’est parce que ces bases de donnĂ©es rĂ©pandent l’expĂ©rience de dĂ©finir un acteur susceptible par le rĂ©seau de ses attributs qu’il existe une chance d’échapper Ă  la distinction individu/structure. Les monades dissolvent le dilemme, et redĂ©finissent la notion de totalitĂ© en la resituant comme Ă©tant l’hĂ©ritage rĂ©ciproque des entitĂ©s qui s’entrecroisent. 61Nous sommes bien conscients que ces bases de donnĂ©es sont pleines de dĂ©fauts, qu’elles incarnent elles-mĂȘmes une dĂ©finition plutĂŽt grossiĂšre de la sociĂ©tĂ©, qu’elles sont marquĂ©es par de fortes asymĂ©tries de pouvoir, et surtout, qu’elles ne caractĂ©risent qu’un instant Ă©phĂ©mĂšre dans la traçabilitĂ© des liens sociaux. Nous sommes aussi douloureusement conscients des contraintes sĂ©vĂšres de l’analyse des rĂ©seaux et des limites des outils de visualisation disponibles aujourd’hui. Mais il serait dommage de manquer cette occasion d’explorer une alternative aussi fondamentale qui pourrait ainsi attirer les sciences sociales sur le terrain empirique et quantitatif, sans renoncer pour autant Ă  se focaliser sur les particularitĂ©s. Notes [1] Cet article est une traduction modifiĂ©e de How Digital Navigation May Modify Social Theory » avec Pablo Jensen, Tommaso Venturini, Sebastian Grauwin et Dominique Boullier, British Journal of Sociology, 63, 4, 2012, pp. 591-615. Un des intuitions les plus courantes associÂŽees `a la dÂŽefinition de l’®emergence est que le tout peut ˆetre supÂŽerieur `a la somme de ses parties. Un grand nombre de travaux sur l’®emergence ont cherchÂŽe `a donner un sens plus prÂŽecis `a cette intuition. Searle Searle [Sea92, page 111] diffÂŽerencie deux niveaux d’®emergence. Ces deux niveaux sont principalement distinguÂŽes par les termes de composition10 et d’interaction “Suppose we have a system, S, made up of elements a,b,c . . . For example, S might be a stone and the elements might be mo-lecules. In general, there will be features of S that are not, or not necessarily, features of a,b,c . . . [...] Let us call such features system features. [...] Some system features can be deduced or figured out or calculated from the features of a,b,c . . . just the way these are composed and arranged [...] But some other system features cannot be figured out just from the composition of the elements and environmental relations ; they have to be explained in terms of the causal interactions among the elements. Let’s call thesecausally emergent system features. [...] On these definitions, consciousness is a causally emergent property of systems. [...] 10 le sens de composition correspond au lien entre un syst`eme et ses composants, mais pas au sens de la composÂŽee de deux fonctions This conception of causal emergence, call itemergent1, has to be distinguished from a much more adventurous conception, call it emergent 2. A feature is emergent 2 iff F is emergent 1 and F has causal powers that cannot be explained by the causal interactions of a,b,c . . . ” Searle distingue 1. Une caractÂŽeristique est dite “du syst`eme” si elle ne caractÂŽerise aucun ÂŽelÂŽement isolÂŽe du syst`eme. 2. Une caractÂŽeristique du syst`eme est ÂŽemergente 1 si sa rÂŽeduction nÂŽecessite de prendre en compte les interactions et pas seulement les compositions. 3. Une caractÂŽeristique du syst`eme est ÂŽemergente 2 si elle est ÂŽemergente 1 et qu’elle n’est pas non plus rÂŽeductible en tenant compte des inter-actions entre les parties. Corning Corning [Cor02, page 9] propose de dÂŽefinir l’®emergence `a partir de la notion desynergie. Il s’agit du cas o`u “the combined cooperative effects that are produced by two or more particles, elements, parts or organisms – effects that are not otherwise attainable” On peut alors dire que le tout estdiffÂŽerent de la somme des parties sans lui ˆetresupÂŽerieur. On retrouve l’idÂŽee d’interactions entre les parties. L’®emergence est alors considÂŽerÂŽee comme le sous-ensemble des effets sy-nergiques qui montre une nouveautÂŽe qualitative. Il dÂŽecrit cette situation comme celle o`u les parties s’adaptent pour constituer un tout, fait de parties diffÂŽerentes. L’article concernant “synergy” dans le “New Oxford American Dictio-nary” [McK05] donne la dÂŽefinition suivante “the interaction or cooperation of two or more organizations, substances, or other agents to produce a combined effect greater than the sum of their separate effects” Un exemple donnÂŽe par Corning est celui d’une voiture, constituÂŽee de toutes ses pi`eces. SÂŽeparÂŽees, elles ne font rien, une fois assemblÂŽees elles donnent lieu `a une synergie, c’est `a dire un vÂŽehicule roulant. Cet exemple sert `a montrer que cette organisation n’a pas `a ˆetre auto-organisation pour Voyelles Dans le cadre de la visionVoyelles des syst`emes multi-agent [Dem95], le syst`eme est dÂŽecomposÂŽe en 4 composantes Agents, Environnement, Inter-actions et Organisations. Dans la description habituelle de ce mod`ele, trois principes sont construits sur ces composantes. SM A=A+E+I+O SM A=A Le dernier principe dÂŽecrit le rÂŽesultat du syst`eme en dÂŽefinissant l’®emergence comme un ÂŽelÂŽement rendant cette description non linÂŽeaire11. FSM A =FA +FE +FI +FO +emergence Il s’agit ici de l’affirmation de la possibilitÂŽe d’une supÂŽerioritÂŽe de la fonc-tion du tout sur les foncfonc-tions des diffÂŽerentes entitÂŽes le composant. Toutefois, il ne s’agit que d’une description de haut niveau des syst`emes multi-agent qui ne garantit pas qu’un mod`ele correspondant `a la vue en Voyelles puisse exhiber cette propriÂŽetÂŽe. AMAS/ADELFE Une autre proposition que nous classons dans cette partie est celle de la mÂŽethodologie ADELFE. Cette mÂŽethodologie a pour objectif d’aborder le dÂŽeveloppement de SMA `a fonctionnalitÂŽe ÂŽemergente. Le postulat sur lequel se fondent la thÂŽeorie et la mÂŽethodologie est qu’un syst`eme fonctionnellement adÂŽequat est un syst`eme dans lequel les situations de non coopÂŽeration sont ÂŽevitÂŽees. Le coeur de la mÂŽethodologie est l’identification des situations non coopÂŽeratives. A partir de la description des agents et de leurs interactions, des classes de situations non coopÂŽeratives sont identifiÂŽees comme les situa-tions gÂŽenÂŽeriques identifiÂŽees dans [Cam98] auxquelles peuvent s’ajouter des situations spÂŽecifiques `a l’application. A chacune de ces classes est associÂŽe un traitement permettant de restaurer la situation coopÂŽerative. Cette situation correspond `a un avantage collectif car la base de la mÂŽethodologie est qu’un syst`eme coopÂŽeratif est supÂŽerieur `a un syst`eme qui ne l’est pas. Cette idÂŽee est dÂŽeclinÂŽee dans de nombreuses applications sur lesquelles les notions de situations non coopÂŽeratives sont illustrÂŽees. 11 Formalisation de Kubik Kubik [Kub03] a proposÂŽe une approche formelle de cette idÂŽee de supÂŽerioritÂŽe du collectif sur les individualitÂŽes. Cette approche est fondÂŽee sur la modÂŽelisation des agents sous la forme d’ensemble de r`egles formant une grammaire de tableaux isomÂŽetriques [DFP95, FF96]12. L’approche consiste en trois ÂŽetapes 1. Les agents sont dÂŽecrits `a l’aide de r`egles de grammaire. 2. Deux syst`emes sont dÂŽefinis dont l’un correspond au tout et l’autre `a la somme des parties. 3. Ces deux syst`emes engendrent deux langages. Le cas d’®emergence est celui o`u le langage du tout inclut strictement celui de la somme des parties. Les langages engendrÂŽes peuvent ˆetre vus comme les mondes accessibles par le syst`eme. Nous dÂŽetaillons l’approche adoptÂŽee. DÂŽefinitions Soit V = VT âˆȘVN un alphabet constituÂŽe de terminaux et non-terminaux. Une grammaire formelle est dÂŽefinie comme un quadruplet G= VN, VT, S, P avec S l’axiome le non-terminal initial et P l’ensemble des productions. Une production dÂŽecrit comment rÂŽeÂŽecrire un non-terminal avec une ÂŽeventuelle condition de contexte. Kubik dÂŽefinitun syst`eme de grammaire coopÂŽeratif G= VN, VT, S, P1, . . . , Pn avec les productionsPi qui dÂŽefinissent l’agent i. Contrairement aux grammaires formelles habituelles, les r`egles de rÂŽeÂŽecriture ne modifient pas une chaˆıne de symboles mais un tableau `a deux dimensions. Une propriÂŽetÂŽe d’isomÂŽetrie est requise pour les r`egles afin d’®eviter le probl`eme de dÂŽecider comment ÂŽetendre le tableau. Nous donnons un exemple pour clarifier ce point. ConsidÂŽerons la r`egle de rÂŽeÂŽecriture suivante X X X X X X − {z } α → − − − {z } ÎČ 12 On peut maintenant rÂŽeÂŽecrirex en y X X X X X X X X X X X X − X X {z } x ⇒ −X X X −X X X − X X {z } y L’hypoth`ese d’isomÂŽetrie sur les r`egles permet d’®eviter le cas suivant qui pose un probl`eme X X X − {z } α → − − − {z } ÎČ Cette r`egle nÂŽecessite l’ajout de trois positions et un changement de la taille du tableau. De plus, il y a un choix `a faire entre les deux dÂŽerivations sui-vantes X X X X X X X X X X X X − X X {z } x ⇒ X X X − X X X − X X X − X X {z } y OU X X X X X X − X X X − X X − {z } yâ€Č A partir d’une grammaire et d’une configuration initiale S, Kubik dÂŽefinit – LSM A comme l’ensemble des configurations accessibles par appli-cations de productions contenues dansSiPi surS – Lsomme comme lasuperimposition denensemblesLi o`u chaqueLi est l’ensemble des configurations accessibles par applications de produc-tions dansPi surS Nous renvoyons le lecteur au travail original [Kub01] s’il est intÂŽeressÂŽe par la dÂŽefinition de l’opÂŽerateur de superimposition. Alors la propriÂŽetÂŽe d’®emergence est vraie quand ∃w∈LSM A, w /∈Lsomme =superimpositioniLi Probl`emes posÂŽes Le premier probl`eme que pose cette approche est celui de l’expression des syst`emes l’utilisation de r`egles de grammaires n’est pas forcÂŽement la mÂŽethode de description d’agents la plus aisÂŽee mais surtout il est difficile de savoir ce qui incarne un agent dans une configuration un agent est un ensemble de productions. Le second probl`eme est celui de la dÂŽecidabilitÂŽe pour dire d’une configu-ration qu’elle ÂŽemerge, il faut pouvoir engendrerLSM A mais aussi montrer de tester l’appartenance du mot `a la superimposition de diffÂŽerents langages qui n’est pas traitÂŽee par Kubik. Finalement, nous donnons ici une lecture critique mais qui nous semble invalider du moins partiellement les exemples de populations homog`enes utilisÂŽes par Kubik. Pour une population homog`ene, tous les agents par-tagent le mˆeme ensemble de r`egles ∀iPi = P = SiPi. On a alors ∀iLi =LM AS. Par ailleurs, superimpositionA, A =A ce qui implique que superimpositioniLi = LM AS. Finalement, LM AS = Lsomme et l’emergence n’a pas lieu dans le syst`eme. Kubik fournit une tentative de formalisation de l’®emergence intÂŽeressante qui repose essentiellement sur la commutation entre deux opÂŽerations for-mer le syst`eme avec ses composants composition et mettre ce syst`eme en marche exÂŽecution. En rÂŽesumÂŽe, l’®emergence de Kubik correspond au cas o`u des ÂŽetats de monde ne sont accessibles qu’`a travers l’interaction de plusieurs agents. En commutant les opÂŽerations de composition et d’exÂŽecution, son travail aboutit ` a une forme de non linÂŽearitÂŽe qui lui permet de dÂŽefinir des ÂŽetats comme ÂŽemergents. Conclusion et Position SMA L’ensemble des travaux qui constituent cet axe met l’accent sur la possibilitÂŽe d’un gain apportÂŽe par l’interaction dans le syst`eme. Les tra-vaux de Kubik peuvent certainement ˆetre envisagÂŽes comme une distinc-tion entre un syst`eme parall`ele o`u les diffÂŽerents processus ne s’influencent pas et un syst`eme concurrent o`u les interactions servent `a atteindre l’ob-jectif. L’approche d’ADELFE consiste `a concentrer l’effort de conception sur les situations non coopÂŽeratives qui correspondent `a des interactions dÂŽefaillantes ; aussi on peut voir cette proposition comme une distinction entre un syst`eme avec coopÂŽeration qui pourrait ˆetre comparÂŽe avec un syst`eme sans coopÂŽeration. Dans un mˆeme ordre d’idÂŽee, Searle dÂŽefinit diffÂŽerentes ÂŽemergences selon le degrÂŽe de collectivitÂŽe entre composition et interaction. Le probl`eme central semble ˆetre le suivant les approches informelles permettent de donner un principe de fonctionnement de l’®emergence sans permettre directement de distinguer l’®emergence et servent plus `a orienter le processus de conception du syst`eme ; `a l’inverse les tentatives d’approches formelles semblent tr`es restrictives par le mod`ele d’agents qu’elles imposent. Dans un mod`ele multi-agent, cette approche correspond `a l’importance du collectif, au multi de multi-agent.

le tout est plus que la somme des parties